Le bilan de Nairobi

Patrick Piro  • 8 février 2007 abonné·es

Le Forum social mondial de Nairobi (20-25 janvier) laisse un bilan contrasté. Si l’on se réfère aux attentes qu’il a suscitées, il a rempli son contrat. Avec 60 000 inscrits et des participants venus de tout le continent, la démonstration est faite qu’il existe une société civile africaine en pleine ébullition, même si elle manque souvent de visibilité. Il est désormais prioritaire de renforcer ces mouvements et de leur donner les moyens de se structurer par-delà les délimitations ethniques et les frontières nationales.

Le FSM a pourtant soulevé des critiques, parfois injustement acerbes, mais dont le fondement mérite d’être débattu. Ainsi, la collégialité du groupe de préparation a été insuffisante, les mouvements de base en ont été écartés. Ensuite, les organisateurs kényans ont couru après l’argent (l’ardoise est d’un demi-million d’euros), et cette préoccupation a orienté certains choix. Comme le recours à des entreprises peu « alter » et un tarif d’entrée qui excluait d’office les plus pauvres. Ce qui pose plus largement la question de l’ouverture du FSM. Ses participants sont majoritairement des relais d’opinion, et il peine à inclure les plus défavorisés. À Mumbai, en 2004, on y était mieux parvenu. Encore s’agissait-il de « pauvres organisés ». En décrétant finalement la gratuité, les organisateurs du FSM de Nairobi ont largement ouvert le forum. Mais l’impréparation a généré une recrudescence des vols et une présence policière pesante. Loin d’un certain romantisme, l’ouverture du forum dans un pays pauvre implique l’organisation de la sécurité de ses altermondialistes « aisés ».

Le Conseil international du FSM, laissé dans une certaine opacité (mais aussi coupable d’un manque de réactivité), s’est promis de préciser des règles d’organisation. Il existe cependant une vertu aux « erreurs » des organisateurs kényans : ils ont démontré qu’ils pouvaient se passer de tuteurs occidentaux pour organiser le plus important rassemblement de la société civile en Afrique depuis les indépendances. Un bénéfice sur un continent où la quête de l’autonomie est obsessionnelle.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »
Entretien 4 février 2025 abonné·es

« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »

Alors que Donald Trump multiplie les décrets transphobes, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes et autrice de Le Lobby transphobe (Textuel, 2024) revient sur le poids que ces décisions peuvent avoir dans le contexte français.
Par Hugo Boursier
Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?
Sur le gril 3 février 2025

Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?

Le célèbre journaliste a préféré démissionner qu’être rétrogradé par la chaîne d’information. Les mots qu’il a prononcés en direct sonnent comme un cri de ralliement face à l’ère fasciste qu’annonce le second mandat du 47e président des États-Unis.
Par Pauline Bock
Donald Trump en croisade contre les personnes transgenres
Minorités 30 janvier 2025 abonné·es

Donald Trump en croisade contre les personnes transgenres

La nouvelle administration états-unienne entame son mandat avec une série de mesures radicales, destinées à effacer l’héritage progressiste des années Biden. La Maison-Blanche s’emploie désormais à restaurer ce qu’elle appelle « les valeurs américaines ». Derrière ces décisions, Trump mène avant tout une attaque frontale contre les droits fondamentaux, dans un climat de haine exacerbée.
Par Maxime Sirvins
« J’ai pleuré de bonheur et aussi de tristesse, étant donné l’état de la Syrie »
Entretien 29 janvier 2025 abonné·es

« J’ai pleuré de bonheur et aussi de tristesse, étant donné l’état de la Syrie »

Après cinquante ans d’interdiction de séjour en Syrie, Farouk Mardam-Bey, l’éditeur, directeur de la collection Sindbad chez Actes Sud et fin connaisseur de la littérature et de la culture arabes, a pu séjourner dans sa ville natale, Damas, au début de cette année.
Par Christophe Kantcheff