La Turquie mène sa guerre
Ces cinq derniers jours, plus d’une centaine de militants présumés du PKK ont été tués dans le sud-est de la Turquie, confirmant la politique d’ «éradication» suivie par le gouvernement d’Erdoğan.
Il avait prévenu. Le président Erdoğan souhaite «éradiquer» les terroristes. Par terroristes, il faut évidemment comprendre le Parti des travailleurs du Kurdistan, mouvement armé de la rébellion kurde, au risque d’y confondre les simples militants de la cause kurde. Ces derniers jours, une opération militaire dans la province de Sirnak a causé la mort d’une centaine de membres supposés du PKK.
Ce triste bilan est à l’image de la voie suivie par le gouvernement. Une voie funeste et guerrière qui s’organise depuis des mois dans le sud-est de la Turquie, à majorité kurde, où le processus de paix, engagé en 2012, n’est plus qu’un lointain souvenir. Depuis le 16 décembre, de vastes opérations sont menées à la fois par l’armée, mais aussi par les forces spéciales de la police. Leur mission: déloger les militants kurdes des centres villes, notamment de Cizre et Silopi (province de Sirnak), où les couvre-feux, la répression et les affrontements rythment désormais le quotidien. Pour cela, d’importants moyens matériels et humains ont été mobilisés. Lors de ces opérations, quelques 10.000 militaires ont été convoqués et soutenus par des chars, encouragés par une rhétorique belliqueuse visant à déraciner les militants kurdes de leurs villes. Organisées dans les zones urbaines, ces interventions amènent par ailleurs à de nombreuses pertes civiles, des mouvements de populations, et autres dérives autoritaires – couvertes par la «lutte contre le terrorisme» . Aujourd’hui, quelques 200.000 personnes de la région auraient fui les combats laissant présager de bien néfastes conséquences pour le sud-est, comme pour la réconciliation entre les Kurdes et les Turcs.
Si ces offensives se concentrent dans les régions frontalières avec l’Irak et la Syrie, les intentions du gouvernement ne font aucun doute. Depuis le 26 novembre, deux journalistes du journal d’opposition Cumhuriyet – Can Dündar, rédacteur en chef, et Erdem Gül, son représentant à Ankara – sont incarcérés à Istanbul. Arrêtés pour terrorisme et espionnage, les deux rédacteurs ont, en réalité, diffusé des images montrant des policiers turcs intercepter un camion des services secrets transportant des armes destinées à des groupes islamistes syriens.
L’échec du processus de paix
Au lendemain des législatives du mois de juin, le parti de la justice et du développement (AKP) – le parti d’Erdoğan – perd la majorité et le contrôle qu’il exerce sur le Parlement depuis treize ans. Aussi, le HDP, parti pro-kurde, a fait son entrée au sein de l’hémicycle, en dépassant pour la première fois la barre des 10%. Pour contrer cette nouvelle perspective, Erdoğan et son premier ministre, Ahmet Davutoğlu ont prétendu être dans l’impossibilité de constituer un gouvernement, et ont organisé de nouvelles élections.
En parallèle, l’attentat de Suruç, en juillet dernier, attribué à Daech, cause la mort de 32 personnes, toutes militantes et engagées dans le processus de reconstruction de la ville de Kobané. Cet événement entraîne de nombreux affrontements entre la police et une partie de la population locale, qui accuse le régime de collaborer avec les terroristes. Les pourparlers engagés avec le PKK sont immédiatement abandonnés, provoquant une escalade de la violence.
De son côté, l’AKP retrouve la majorité au Parlement le 1er novembre – à l’issue des nouvelles législatives. À cette occasion, l’autoritaire Recep Tayyip Erdoğan réitère sa volonté d’ «éradiquer» le PKK, replongeant le pays dans un conflit meurtrier commencé en 1984.
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