Les ONG ne seront pas «complices» de l’accord UE-Turquie
Plusieurs organisations cessent une partie de leurs activités pour dénoncer le renvoi des réfugiés vers la Turquie.
C’est une «décision extrêmement difficile» que Médecins sans frontières vient d’annoncer, en réaction à l’accord UE-Turquie signé vendredi 18 mars. Pour ne pas se rendre «complice» du renvoi vers la Turquie de tous les arrivants sur les îles grecques, qu’elle juge «injuste et inhumain», l’organisation refusera désormais de transférer des migrants par bus jusqu’aux hotspots, où ils sont enregistrés.
« Nous ne laisserons pas notre assistance être instrumentalisée pour des opérations d’expulsions massives, affirme Marie Elisabeth Ingres, chef de mission de MSF en Grèce, qui dénonce la transformation du hotspot de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, en centre de détention pour migrants.
Les hotspots transformés en centre de rétention
Mais l’ONG n’est pas la seule à cesser certaines de ses activités. L’International rescue committee (IRC), présente sur l’île de Lesbos, et le Conseil norvégien des réfugiés (NRC), actif sur l’île de Chios, ont également décidé de ne plus participer aux transferts des migrants. Cette dernière a cependant précisé vouloir maintenir sa présence à Chios pour s’assurer que la possibilité de demander l’asile est offerte aux réfugiés.
Construit grâce à des fonds européens, le camp de détention de Moria était devenu, au fil de l’exode des populations fuyant les conflits au Moyen-Orient, un centre ouvert d’enregistrement et d’identification, censé permettre leur répartition en Europe. Mais avec l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie, les portes se sont refermées sur les nouveaux entrants.
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Mardi déjà, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) avait annoncé la suspension de certaines de ses activités, opposé à la politique de la «détention obligatoire» des demandeurs d’asile.
Des dizaines d’Afghans renvoyés dans leur pays
De son côté, Amnesty International a dénoncé mercredi «l’imposture de la Turquie» et le renvoi d’une trentaine de demandeurs d’asile afghans dans leurs pays, malgré le danger que cela représente. Dans son communiqué, l’organisation assure que «si le droit turc protège le droit des personnes en quête de protection de demander l’asile depuis leur lieu de détention», de nombreux cas attestent du non–respects de la législation : «Les demandes d’asile déposées par les personnes se trouvant sur le territoire turc sont dans la pratique rarement traitées.»
L’encre n’était pas encore sèche sur l’accord UE-Turquie que plusieurs dizaines d’Afghan-e-s étaient déjà renvoyés dans un pays où leur vie pourrait être menacée. Cet épisode illustre les risques liés au retour des demandeurs et demandeuses d’asile vers la Turquie – et les répercussions que l’accord est susceptible d’avoir sur les réfugié-e-s passant par la Turquie. C’est comme regarder un train dérailler au ralenti.
Si, pour assurer la légalité des renvois, les pays membres de l’UE se basent sur le principe de «pays tiers sûr», John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International, ne paraît pas convaincu de ce statut concernant la Turquie :
Afin d’encadrer les opérations, mais aussi de contrôler les éventuelles tentatives de résistances des réfugiés refusant leur transfert en Turquie, la Commission européenne prévoit la mobilisation de près de 4.000 agents européens et grecs.
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