Contre la loi travail, «Paris, lève toi»
Dans la capitale, comme partout en France, des dizaines de milliers de personnes ont de nouveau exigé le retrait de la loi travail et appelé à la fin des régressions sociales.
C’est peut-être un nouveau rapport de force qui s’installe dans les rues de Paris.» Place de la Nation, le jeune homme observe les affrontements. A une dizaine de mètres, des centaines de contestataires vêtus de noir et sans visage appellent Paris à se soulever, faisant reculer les CRS à coup de pétards et autres jets de projectiles, sous les acclamations de la foule. Régulièrement, ces derniers gazent les manifestants pour les disperser, gagnent quelques mètres, et reprennent leur place. Derrière eux, le reste du cortège attend sur le boulevard, empêché d’accéder à la place par les forces de l’ordre qui ont bloqué les rues. Et quelques mètres au-dessus, un hélicoptère suspecté par certains manifestants de balancer du gaz lacrymo survole la place.
Ce samedi 9 avril, c’est encore près de cent-dix milles personnes selon les syndicats, qui ont participé à la mobilisation parisienne. Depuis la place de la République occupée par le mouvement Nuit debout, les manifestants ont, parfois péniblement, rejoint Nation en passant par Bastille, afin d’exiger le retrait du projet de réforme du code du travail. En tête de cortège, quelques trois cent personnes ont également formé un imposant «black block» [«bloc noir» ndlr], sans doute le plus important depuis le début de la contestation, participant à de nombreux bras de fer avec les CRS. Mobilisés contre la loi travail et les répressions policières, ces autonomes ne revendiquent aucun encadrement, qu’il soit syndical ou partisan.
Si la manifestation s’est une nouvelle fois, achevée dans la violence, un déploiement de CRS, bloquant l’accès au boulevard du Temple non loin de République, avait d’ores et déjà usé de gaz lacrymogène quelques minutes après le départ. Surpris et choqué «d’un tel contact», Daniel estime particulièrement «dangereuse» et anormale une telle présence policière. Cet enseignant à la retraite assure «qu’il n’a jamais vu ça, pas même en 68». De même, pour Christine qui l’accompagne, ce type de déploiement «ne peut qu’attiser la colère des jeunes» et contribuer «aux débordements».
Un samedi pour les travailleurs
Un mois tout juste après le premier appel à manifester, l’intersyndicale a pour la première fois depuis le début de la contestation, organisé un événement un samedi, afin de permettre aux travailleurs du privé d’y participer. Pour Louis, jeune lycéen venu tout spécialement de Seine-et-Marne, «manifester un samedi risque de ramener moins de jeunes. Mais pour les salariés, c’est évidemment un avantage, surtout que le droit de grève n’est pas le même pour tout le monde, notamment pour les plus précaires.»
Salariée et étudiante, Jade préfère valoriser les nouveaux moyens de mobilisation. Non seulement parce que «les gens travaillent aussi le samedi» mais aussi parce que «marcher simplement dans la rue ne suffit pas, que beaucoup de gens n’y croient plus». Dans le cortège, un vieux militant, ancien adjoint d’une commune de la ceinture rouge, nous confiait que les gens recevaient souvent ses tracts avec scepticisme: « Ça ne sert à rien de manifester », a-t-il souvent entendu, a-t-il souvent entendu, accompagné non moins fréquemment de propos définitifs appelant à « cramer ce gouvernement ».
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