« Le PCF doit sortir de l’ambigüité »
À l’occasion du congrès du PCF, Frédérick Genevée, militant communiste, explique pourquoi il préfère le retour Front de gauche à la ligne de la direction, qui plaide pour une alliance plus large… et plus floue.
Le PCF aborde son congrès déchiré entre deux orientations stratégiques principales. D’une part, le texte de la direction, qui n’a rallié que 51,2 % des voix sur une ligne politique défendant une primaire à gauche et des alliances avec le PS ; d’autre part, un texte alternatif rassemblant plus de 23 % des communistes, qui promeut un retour à un rassemblement de type Front de gauche, indépendant du PS, pour 2017.
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Frédérick Genevée, membre du comité exécutif national, et l’un des animateurs de cette orientation, revient pour Politis.fr sur les enjeux de ce congrès.
Politis : Votre texte a rassemblé 23,7 % des voix. Est-ce une première au PCF qu’un texte alternatif à celui de la direction fédère à ce point ?
Frédérick Genevée : C’est en tout cas la première fois qu’est présenté un texte alternatif à la fois radical et moderne. Depuis 2003, il y avait déjà des textes, d’obédience identitaire, qui représentaient environ 25% des voix si on les additionnait. Mais il est inédit qu’un texte non identitaire existe, et qu’il rassemble près d’un quart des voix. Nous avons d’ailleurs été nous même surpris ! Au final, la base commune qui avait été votée par 85 % de la direction, se retrouve validée par seulement 51 % des communistes, ce qui montre un vrai décalage entre les choix de la direction et la base.
Que reprochez-vous à la base commune ?
Il y a une différence de fond : la manière dont on conçoit un rassemblement majoritaire de transformation de la société. De là, découlent les désaccords sur le fait de s’engager ou pas dans une primaire, sur le bilan et l’avenir du Front de gauche… Grosso modo, la direction pense que le rassemblement majoritaire ne peut se faire que via des alliances avec le parti socialiste. Cela ne veut pas dire que la direction cautionne la ligne du PS, mais elle pense que ce parti, du fait de sa force électorale, est incontournable. Pour elle, il s’agit de décrocher les frondeurs, ou d’influencer le PS pour qu’il se gauchisse. Nous, en revanche, nous pensons que l’orientation social-libérale du PS est irréversible et que la social-démocratie est dans une impasse. Pour nous, l’essentiel ne se joue donc pas dans la nécessité ou non de faire des alliances avec le PS, mais dans cette idée que le rassemblement doit se faire autour de nouvelles formes de mobilisation, autour du peuple. Notre texte estime que l’enjeu n’est pas de « gauchir » le PS ou de tenter de se mettre d’accord sur un programme minimum, mais au contraire, de faire des propositions de contenu fortes et de ruptures. Nous, nous nous référons au programme « L’humain d’abord », alors que le texte de la direction, qui veut aboutir à un compromis avec les frondeurs, veut des propositions minimales. Dans un premier temps, il ne mentionnait même pas le terme de « Front de gauche »…
Ces deux lignes ne sont-elles pas irréconciliables ?
Je ne le crois pas. C’est une question de priorité : est-ce qu’on privilégie des alliances entre états-majors ou est-ce qu’on se centre autour des mobilisations populaires ? En réalité, ce débat couve au PCF depuis le milieu des années 1990. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que près d’un quart des communistes ont rejoint cette orientation de construire une vraie force alternative, qu’elle s’appelle « Front de gauche » ou autrement.
Au fond, ces différends ne reviennent-ils pas à un pour ou contre Mélenchon ?
On n’a pas dit qu’on soutenait Mélenchon ! Il y a du vrai dans son positionnement radical, son envie de rompre réellement avec le PS. Mais nous sommes contre un ralliement à la candidature de Mélenchon telle qu’elle est aujourd’hui. Il y a besoin d’un processus collectif, d’organisations et de citoyens qui convergent par exemple dans des Assises de la transformation sociale et écologique. Moi, je pense que la candidature de Mélenchon est sérieuse, mais qu’elle ne peut pas se faire dans un rapport direct avec le peuple. Evidemment, pour qu’il y ait une convergence, le PCF doit aussi lever les ambigüités sur ses relations avec le PS et sur son programme…
La direction du PCF est-elle prête à bouger ?
Tout est possible, et Pierre Laurent [secrétaire national du PCF, NDLR] a cette qualité qu’il accepte le débat et la contradiction. Et puis regardez Podemos et Izquierda Unida : ils viennent de nouer une alliance, alors qu’il y a six mois, cela semblait impossible ! La direction du PCF doit trouver les formes du rassemblement interne et construire une direction plus représentative. Par exemple, je suis le seul membre du comité exécutif national à m’être opposé aux primaires et à avoir signé un texte alternatif. On n’est pas au PS, la question de la représentativité ne vise pas à représenter des tendances. Cette représentativité doit avoir un sens, elle doit permettre que la direction soit plus en phase avec la réalité de terrain, et donc plus efficace.
Mais Pierre Laurent et les textes de la direction continuent de parler de primaire…
Oui, mais veut-on une candidature du PCF à la présidentielle ? D’un candidat supplémentaire issu d’une petite primaire ? Hollande, Valls ou Macron se présenteront, c’est certain… Il faut donc qu’on arrête l’éparpillement à gauche si l’on veut battre la droite, l’extrême droite et préparer l’avenir.
Le Front de gauche a été déclaré en état de « mort clinique » par toutes ses composantes. Comment analysez-vous cet échec ?
Il y a eu une conception du Front de gauche uniquement sous la forme d’un cartel de partis politiques. On a laissé peu de places aux assemblées citoyennes et au conseil national du Front de gauche. Ceci étant, le Front de gauche reste une force politique identifiée positivement au niveau du grand public, même si dans la réalité, il n’existe plus. Il faudrait un Front de gauche renouvelé, décartélisé, qui laisse plus de place aux citoyens dans les prises de décision et moins aux états-majors des partis… Tout le monde a intérêt à se rassembler à la présidentielle, aux législatives, avant 2017. À moyen terme, le rassemblement et une majorité antilibérale est envisageable.
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