Manifestation contre la «haine anti-flic»: Une place de la République privatisée

Alors que le mouvement «contre la loi travail et son monde» se durcit, les policiers se sont rassemblés partout en France contre la «haine anti-flic». Une mobilisation vécue comme une provocation par ceux qui dénoncent les violences policières.

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Manifestation contre la «haine anti-flic»: Une place de la République privatisée
© Photos : Chloé Dubois

Ce mercredi, à Paris, la place de la République n’a pas le même visage. Réunis par le syndicat corporatiste Alliance, des centaines de policiers manifestent à l’endroit même où, hier encore, les noms des victimes de violences policières étaient peints sur le pavage. Contre la «haine anti-flic» et la stigmatisation, le rassemblement avait vocation à instaurer un dialogue, rendu presque impossible par l’établissement d’un dispositif de sécurité important. Barrages, contrôles d’identités aux alentours de la manifestation… La place est quasi-réservée à ceux qui disposent d’une carte de police ou d’une carte de presse. Peu propice à la discussion selon Bruno Mercier, membre de la CGT Police, «ces mesures décidées par l’État» empêchent justement les forces de l’ordre «de rencontrer et de parler avec les gens». Un regret que ne semble pas partager Yoann Moras, membre d’Alliance, pour qui ce dispositif a été rendu nécessaire par les «appels à venir nous chamailler».

Publié dans la journée d’hier, un communiqué de la Préfecture de police avait par ailleurs interdit toute manifestation autour de la place de la République dans la journée de ce mercredi 18 mai. Une mesure qui visait particulièrement le rassemblement initialement prévu à 11h place de la République par le collectif «Urgence notre police assassine», considérant que «le rassemblement […] peut susciter de vives tensions et des risques importants de troubles graves à l’ordre public». Décidés à contrer cette décision, quelque 300 manifestants se sont tout de même rendus à République dans la matinée pour dénoncer les violences policières. Repoussé à l’extérieur du dispositif, un petit groupe a par la suite incendié une voiture de police, quai de Valmy, alors que deux policiers se trouvaient dans le véhicule. Une enquête a été ouverte pour tentative d’homicide volontaire mais «on ne sait pas à ce stade s’ils en sont sortis par eux-mêmes ou si on les a aidés», a précisé une source proche de l’enquête à l’AFP.

Des policiers en recherche de soutien

«L’objectif de cette manifestation est de crier notre ras-le-bol à la population, explique Yoann Moras. En tant que policiers républicains, nous soutenons les manifestants. Mais des groupuscules se sont infiltrés dans les cortèges et peuvent faire des dégâts». D’après lui, «peu de débordements sont à signaler», hormis ceux commis par «des groupuscules de casseurs» : «Nous sommes passés des embrassades après Charlie Hebdo à la diffusion de vidéos ciblant les policiers. Lorsque celle sur l’interpellation d’un jeune homme dans le XIXème arrondissement est sortie, elle a été tirée de son contexte. Mais quand vous avez reçu des projectiles pendant trois heures, vous intervenez de manière ferme». Une «explication» peu convaincante.

À deux pas, Audrey Guibert, une conseillère régionale Front national «réaffirme l’urgence et le besoin d’un retour à l’autorité», n’hésitant pas à demander une augmentation des «moyens matériels» pour faire face aux manifestants contre la loi travail (sic). Florian Philippot, n°2 de son parti, affirmait pourtant, hier sur iTélé, soutenir les mobilisations contre cette loi. Plusieurs élus de droite et d’extrême droite, dont la députée FN Marion Maréchal-Le Pen sont également venus soutenir les manifestants.

À l’inverse, le syndicat Force ouvrière n’aurait pas été autorisé à manifester ce mercredi sur la place, et le conseiller régional d’Île-de-France Éric Coquerel a plusieurs fois été refoulé par les barrages filtrants, avant finalement d’être autorisé à y accéder

© Politis

Également présente, la CGT Police a de son côté souhaité rappeler la mission première des forces de l’ordre. «Nous sommes là pour défendre les gens, explique Bruno Mercier. Et lorsqu’un policier intervient, il ne doit pas s’y prendre de manière violente en frappant les manifestants.»

Installé à même la place par les organisateurs, un écran diffuse les photos relatant, principalement d’un seul côté, les affrontements entre le black bloc et les forces de l’ordre. Des images où les policiers sont des cibles, et où les interpellations se passent relativement calmement. Quelques mots y sont également ajoutés avant la fin de la vidéo qui se termine sous les applaudissements des manifestants : «La police n’a qu’une couleur, le bleu. Qu’une mission : votre protection. Nous payons le prix ultime, celui du sang. Mais nous seront toujours là.»

Contre-manifestants

À quelques mètres de la statue, à chaque coin de rues, des contre-manifestants dénoncent la privatisation de la place de la République et la provocation que constitue l’organisation d’un tel rassemblement à l’endroit même où les Nuits debout s’organisent. «Chaque jours, nous nous faisons frapper et nasser par ceux qui aujourd’hui se plaignent de la haine et de la violence», s’indigne Célia. En dépit de l’interdiction de manifester contre ce rassemblement, la jeune femme s’est rendue à l’entrée du Boulevard Magenta pour protester contre la loi travail et les violences policières. Choquée par le dispositif mis en place, Célia dénonce un véritable «blocage». Également atterré, Léo s’interroge sur l’objectif d’une telle manifestation : «Encore une fois, c’est vers nous que sont tournés les CRS. C’est aberrant. Pourtant, une manifestation, c’est fait pour parler. Non? ».

C’est finalement la CGT police qui fera le premier pas en allant à la rencontre de ces contre-manifestants. Un dialogue a ainsi été possible et les cégétistes ont de nouveau dénoncé la responsabilité de l’État concernant le déroulement des interventions policières en manifestations, et mis en cause «un effectif réduit, peu formé au maintien de l’ordre».

© Politis
Société
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