Xavier Niel répond (presque) à Politis
Le fondateur de Free n’a pas pu éluder les questions sur les pratiques managériales à l’œuvre dans certains centres d’appels de son groupe, révélées le 19 mai par Politis. Dans une interview exclusive au quinzomadaire Society, Xavier Niel omet en revanche de répondre à la plupart des faits que nous rapportions et minore sa part de responsabilité.
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« Le pire des jobs »
Avec son franc-parler habituel, le fondateur de Free confirme la description que Politis a faite des conditions de travail dans les centres d’appels de la marque, même s’il affirme que le niveau de salaire y est plus élevé que chez ses concurrents :
Les salariés dans les centres d’appels, ce sont les ouvriers du XXIe siècle. C’est un métier horrible. Le job qu’ils font, c’est le pire des jobs. Je m’intéresse aux activités qui m’intéressent. Est-ce que les centres d’appels de chez Free sont une activité qui me passionne ? Non.
À l’en croire, il n’aurait donc « jamais géré les questions de ressources humaines ». « Je connais la DRH de cette maison », avoue-t-il tout de même, avant d’ajouter : « J’ai dû la croiser deux fois cette année. »
Pourtant, Politis a rapporté le contenu d’un mail de Xavier Niel prouvant son implication directe dans la gestion des ressources humaines. Le 15 septembre 2010, il répondait à la demande de création d’un annuaire des salariés, avec le message suivant :
Faire rentrer les ressources humaines chez Free, c’est détruire Free ! On continue (…) avec un annuaire des salariés, quel intérêt ? Les aider à se regrouper pour qu’ils soient plus forts ? Je veux que l’on agisse avant que l’on fasse exploser ce groupe !
Réponses sélectives
Sur le fichage des salariés, les licenciements montés de toutes pièces, les cas de répression syndicale, Xavier Niel ne conteste pas les faits rapportés par Politis, mais tente de les minimiser :
Ce que me reproche fondamentalement Politis, c’est d’avoir, en 2009, dans un centre d’appels de Marseille, viré des gens de manière potentiellement illégale pour faire des économies. Ce que je vous dis, c’est que ça a sept ans, et on ne nous reproche pas les conditions sociales ou familiales.
Pas un mot, donc, sur l’arrêt des recrutements constaté sur le centre d’appels de Colombes suite à une grève en novembre 2014. Ni sur les nombreuses condamnations des filiales de Free pour licenciement abusif. La plus récente a été prononcée le 12 avril 2016 par les prud’hommes de Paris à la suite du licenciement de 4 salariés parisiens de Free distribution, filiale d’Iliad, en juin 2013 (les affaires plus récentes sont encore en cours).
Pas un mot non plus sur le plan social déguisé nommé « centralisation » mis en place en janvier 2012 au sein de la filiale d’Iliad MCRA, révélé par Politis.
Enfin, le nouveau magnat de la presse ironise, selon le récit de Society :
« Au moment de dire au revoir, Xavier Niel posera une dernière question. “Attendez, mais je crois que je suis actionnaire de Politis, non ? Il faut que je vérifie.“ »
Xavier Niel n’est pas actionnaire de Politis SAS, dont le capital est détenu à majorité par l’association Pour Politis qui regroupe lecteurs et salariés, tous attachés à l’indépendance du titre.
Dans le reste de cet entretien fleuve, Xavier Niel aborde son passé judiciaire, ses débuts de hacker, son succès dans les affaires, ses investissements de « business angel » et sa vision de la politique.
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