Droit au logement : « Même quand on est à la rue, on nous chasse encore »
Les autorités profitent de l’été et des vacances pour procéder à de nombreuses expulsions locatives. À la veille de la rentrée, l’angoisse des familles expulsées s’intensifie et les soutiens recommencent à se mobiliser.
« Un toit c’est un droit, un toit c’est la loi ! », « Solidarité, avec les mal-logés ! ». Les slogans criés avec conviction troublent le calme du 7ème arrondissement de Paris. Mardi après-midi, quelques dizaines de militants de l’association Droit au logement (DAL) ont pris leurs quartier à deux pas du ministère du Logement. Une grande tente blanche se hisse progressivement sur l’esplanade des Invalides, sous le regard interrogateur des touristes. L’opération « 24 heures contre les expulsions » démarre dans la bonne humeur, rempart indispensable face au sentiment d’injustice qui régie le quotidien de ces familles.
Jean-Baptiste Eyraud dit « Babar », la voix de l’association, précise que le DAL a remis une liste des familles expulsées à la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse. « Nous demandons la suspension des expulsions et surtout, que les familles prioritaires Dalo [Droit au logement opposable, NDLR] soient relogées, clame-t-il au micro. Le logement est le deuxième besoin fondamental humain. Puisqu’elle a été militante, on demande à Mme Cosse de prendre son courage à deux mains et de nous recevoir. »
Chaque année, les propriétaires et les huissiers profitent de la période estivale pour expulser des familles car les enfants ne sont pas encore rentrés à l’école.
Les causes de ces expulsions, nous les connaissons, ce sont toujours les mêmes : les hausses de loyer, la baisse des allocations logement et des revenus, sans oublier la cupidité, la spéculation immobilière, ce fléau qui gagne du terrain, souligne Jean-Baptiste Eyraud.
Les témoignages s’enchaînent. Fazia et sa famille ont subi pendant des années le harcèlement d’un voisin et cela a dégénéré jusqu’à aller devant le tribunal. Malgré la bonne foi de la famille, ils sont expulsés de leur appartement de Boulogne-Billancourt. « Le plus difficile, c’est d’expliquer à ses enfant ce qui se passe et calmer leur peur année après année car on ne sait jamais où on sera hébergé, confie-t-elle. Ce n’est pas la meilleure image de la République pour eux. »
Sandrine, casquette noire vissée sur la tête, déborde d’énergie cet après-midi pour chanter. Puis, le ton baisse lorsqu’elle raconte son histoire. Expulsée de son appartement en juin 2015, elle se retrouve sans rien et s’est réfugiée sur la place de la République à Paris, où elle a rencontré des militants du DAL.
Quand ils sont arrivés pour me déloger, j’ai seulement pu prendre les affaires de mon fils et quelques vêtements pour moi. Mais j’ai eu beaucoup de chance. Après avoir été hébergée dans des hôtels, on m’a enfin trouvé un logement : un F3 de 63 m2 ! , insiste-t-elle.
La bonne humeur des soutiens est soudainement ternie par l’arrivée de plusieurs policiers. Malgré la demande en bonne et due forme auprès de la préfecture, la maire adjointe du 7ème arrondissement n’a pas apprécié l’initiative du DAL. On leur intime l’ordre de démonter leur tente. Dépités, ils s’exécutent mais comptent bien passer la nuit sous les arbres des Invalides. Fazia préfère ironiser : « Même quand on est à la rue, on nous chasse encore. »
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don