Pourquoi Pierre Larrouturou a-t-il été exclu de Nouvelle Donne ?
Le cofondateur de Nouvelle Donne a été évincé samedi de son parti par un vote du bureau national. Il fait appel de cette décision et engage une médiation.
Pierre Larrouturou, exclu du parti qu’il a co-fondé. Nouvelle Donne a annoncé la nouvelle le 27 août, au sortir d’un bureau national « particulièrement bousculé ». « Son appartenance au mouvement n’était plus compatible avec les valeurs et l’éthique de notre charte », a sommairement affirmé l’instance dirigeante du parti.
L’économiste et ancien conseiller régional venait pourtant d’être désigné lors d’une primaire interne, au mois de juin, pour représenter le parti à la présidentielle, dans ou hors du cadre d’une primaire à gauche.
« Ce n’est pas une décision prise sur le coup de l’émotion, précise toutefois Nathalie Cayet, coprésidente du parti. On s’est aperçu qu’il y avait un véritable dysfonctionnement. Des faits anciens ont été portés à notre connaissance. Ils nous paraissent très inquiétants. »
Les explications sont tombées lundi après-midi par l’intermédiaire d’un courrier adressé aux 2500 adhérents de Nouvelles donne, que Politis s’est procuré.
Une dette de 300 000 euros
Le document fait état d’une « situation financière extrêmement dégradée » qui incomberait selon le Bureau national aux « engagements unilatéraux pris par Pierre Larrouturou ». Il est accompagné d’une lettre de l’expert-comptable datée du 27 août 2016 détaillant par le menu la situation financière du parti.
L’expert-comptable, intervenu pour vérifier les comptes de 2015 et 2016, déplore l’absence de certains justificatifs dans les archives du parti et fait état d’une dette de 300 633 euros en 2015 (440 000 euros en 2014).
Pierre Larrouturou, joint ce lundi par téléphone, reconnaît ces difficultés financières, mais les relativise, au regard des règles de financement des partis politiques :
Tous les partis de France sont endettés dans des proportions bien plus élevées que nous. C’est tout à fait légal et normal d’avoir des dettes.
Le score réalisé aux européennes n’a pas permis à Nouvelle Donne d’être remboursé de ses frais de campagne, mais il compte sur les prochaines législatives – scrutin avec des règles de financement plus souples – pour lui ouvrir un droit au financement pérenne et éponger ses dettes.
« La commission nationale des comptes de campagne a validé nos comptes et les emprunts contractés auprès des imprimeurs ont été signés par nos avocats et commissaires aux comptes », tient également à préciser Pierre Larrouturou.
Manque de collégialité
Dans sa longue lettre explicative, le bureau national de Nouvelle Donne reproche à Pierre Larrouturou de ne pas « adhérer au fonctionnement collectif du mouvement ». Des livres qui paraissent sans que les adhérents en aient été informés, des informations qui circulent mal, une équipe de campagne désignée sans concertation… « Nous avons aujourd’hui acquis la certitude que pour faire de la politique autrement, Nouvelle Donne a besoin de prendre un nouveau départ », assure Nathalie Cayet.
En juin 2015, soixante militants avaient annoncé leur « démission collective » d’un parti qu’ils jugaient « vidé de son sens », avec des reproches similaires.
L’intéressé se dit surpris par la rapidité avec laquelle il est tombé en disgrâce et se dit soutenu par une partie de la base :
« Nous avons très peu de moyens et un seul salarié pour fonctionner. J’ai vu des tensions monter et de la fatigue. Mais j’ai été surpris par la décision de samedi », précise-t-il. Il reconnaît également des « erreurs » et souhaite répondre « sereinement et factuellement » sur chacun des points qui lui sont reprochés. « Oui, j’ai 140 000 mails non lus, je n’ai pas de secrétariat et j’ai un petit problème de temps libre. Mais je suis totalement bénévole », ajoute-t-il.
Les adhérents comme juges de paix
Économiste et fervent défenseur de la réduction du temps de travail, Pierre Larrouturou a quitté le Parti socialiste en 2009 pour rejoindre Europe écologie – Les Verts. Il a repris en 2012 sa carte au PS pour présenter une motion au congrès de Toulouse avant de le quitter de nouveau pour fonder Nouvelle Donne, avec ses camarades du Collectif Roosevelt, qui défendait en 2012 l’idée d’un « new deal » économique à la française.
Le parti avait recueilli 550 000 voix lors des européennes de 2014 (2,9 %). « Cela a créé énormément de convoitises chez des petits militants lambdas issus des autres partis de la gauche. Nouvelle Donne a eu énormément de mal à gérer cela », rapporte Nathalie Cayet. La crise interne aura fait passer le parti de 12 000 adhérents en 2014 à 2 500 aujourd’hui, selon les chiffres communiqué par Nathalie Cayet.
« Nous ne souhaitons pas qu’il y ait un lynchage public de Pierre Larrouturou. Nous devons tous lui reconnaître qu’on a adhéré à Nouvelle donne parce qu’il a su porter la voix que nous voulions entendre », assure Nathalie Cayet. Pour le petit parti adepte de la « démocratie citoyenne », avec ou sans son chef, le plan de bataille reste officiellement inchangé : objectif 2017.
D’ici là, Pierre Larrouturou va tenter de rétablir le dialogue par l’intermédiaire d’une médiation qui doit aboutir d’ici quinze jours. Un appel a également été déposé pour contester la légalité de cette exclusion, au regard des statuts du parti. Un organe interne au parti doit se réunir pour la première fois afin de juger de l’avenir du cofondateur. Les adhérents devraient donc être les juges en dernier recours.
Ajout, 31 août : Précisons que Nouvelle donne avait obtenu le score de 3% nécessaire à l’obtention d’un remboursement aux Européennes, dans 4 régions sur 7. Une erreur humaine dans la comptabilité de la campagne lui a coûté ce remboursement.
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