Mobilisation pour empêcher l’expulsion d’un réfugié politique guinéen

Opposant politique dans son pays, étudiant en France sans-papier, Abdoulaye risque l’expulsion. Pour empêcher son départ des étudiants et collectifs appellent à un grand rassemblement samedi matin, devant le Tribunal administratif de Paris.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 16 septembre 2016
Partager :
Mobilisation pour empêcher l’expulsion d’un réfugié politique guinéen
© Photo : CELLOU BINANI / AFPnUn militant de l'opposition lors d'une manifestation le 16 août 2016. L'homme sur la photo n'est pas Abdoulaye.

Arrêté le 13 septembre sans autres papiers que sa carte d’étudiant, Abdoulaye est désormais sous le joug d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Samedi 17 septembre, l’étudiant est convoqué à partir 8h30 au tribunal administratif de Paris. Un rendez-vous qui risque de ne pas bien se terminer pour Abdoulaye, dont le « dossier est très maigre », s’attriste Estelle, membre du Réseau universitaire sans frontière (RUSF) :

Mal conseillé, il n’a pas déposé de dossier pour réclamer l’asile politique. Il s’est rendu plusieurs fois à la préfecture de Créteil qui lui disait toujours de repasser un autre jour.

Venu de Guinée, Abdoulaye est diplômé d’une licence en sociologie. À 25 ans, il est aussi un opposant politique contre le parti au pouvoir dans son pays. Arrivé en France en avril 2016, le jeune homme a décidé de poursuivre ses études et s’est inscrit cette année en licence d’administration économique et sociale (AES) à l’Université Sorbonne-Panthéon de Paris.

Mais depuis mercredi, le jeune homme est détenu au Centre de rétention administratif (CRA) de Joinville après un contrôle d’identité à la Gare de Lyon. Estelle, doctorante à l’Université Paris-Diderot, appelle à une grande mobilisation pour soutenir ce jeune étudiant « qui risque gros » s’il devait être expulsé dans les prochains jours. « Tout ce qu’Abdoulaye me dit, c’est « faîtes ce que vous pouvez, ma vie est en jeu »… »

Militant de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Abdoulaye est en effet membre du principal parti d’opposition. L’étudiant est notamment l’un des organisateurs de la grande marche pacifiste du 4 avril 2013. Resté très impliqué dans la vie politique de son pays, l’étudiant n’a jamais officiellement été condamné. « Les manifestations sont légales en Guinée, explique Estelle, mais il a reçu des menaces de mort à plusieurs reprises et des soutiens du parti au pouvoir se sont rendus chez lui. Heureusement, lui n’y était pas. » Rapidement exfiltré de son pays après ce jour, Abdoulaye s’est d’abord rendu à Bamako, puis à Rabah. Du Maroc, il s’est embarqué sur un bateau de fortune, en direction de l’Espagne, d’où il rejoint la France, pensant y être en sécurité.

En début de semaine, les étudiants de Paris 1 ont donc appris « avec stupéfaction» l’arrestation « de leur camarade ». Dans un communiqué, Ambre Froment, Mickaël Musto et les autres « indignés » de l’université dénoncent une arrestation inconsciente et risquée pour la vie d’Abdoulaye :

Cette arrestation pose plusieurs problèmes. Un problème humain d’abord. Alors que le gouvernement parle de paix et de fraternité, on constate qu’il s’attaque aux personnes les plus précaires. Un problème politique aussi. En effet, lui Président avait promu un pacte de « dignité » pour les migrants. Pourtant, le nombre d’expulsion ne cesse d’augmenter depuis 2012. À quoi peut servir une telle politique ?

Contacté par RUSF, la présidence de l’université de Paris 1 n’a pas souhaité apporter son soutien au jeune étudiant. Celle-ci estime « ne pas le connaître suffisamment », s’indigne Estelle. Déçue, parce qu’une lettre du Président aurait pu apporter beaucoup au dossier d’Abdoulaye, la jeune doctorante décrit un climat délétère qui ne se prête pas aux élans de solidarité. D’après elle, le milieu universitaire, « qui auparavant soutenait nos demandes de régularisation et nos démarches », devient méfiant. « Il est devenu très compliqué d’obtenir un geste de leur part », assure-t-elle, prenant exemple sur la discussion que celle-ci vient d’achever avec la présidence de l’Université

Le seul espoir encore espérée par la militante de RUSF ? Le vice de procédure. Mais en attendant, si la décision d’expulser Abdoulaye devait être prise, le nombre de jours qu’il reste au jeune homme en France devrait être connu dimanche.

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles
Étude 21 novembre 2024 abonné·es

Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles

Une enquête de l’Inserm montre que de plus en plus de personnes s’éloignent de la norme hétérosexuelle, mais que les personnes LGBT+ sont surexposées aux violences sexuelles et que la transidentité est mal acceptée socialement.
Par Thomas Lefèvre
La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !
Santé 21 novembre 2024 abonné·es

La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !

Les stéréotypes sexistes, encore profondément ancrés dans la recherche et la pratique médicales, entraînent de mauvaises prises en charge et des retards de diagnostic. Les spécificités féminines sont trop souvent ignorées dans les essais cliniques, et les symptômes douloureux banalisés.
Par Thomas Lefèvre
La Confédération paysanne, au four et au moulin
Syndicat 19 novembre 2024 abonné·es

La Confédération paysanne, au four et au moulin

L’appel à la mobilisation nationale du 18 novembre lancé par la FNSEA contre le traité UE/Mercosur laisse l’impression d’une unité syndicale, qui n’est que de façade. La Confédération paysanne tente de tirer son épingle du jeu, par ses positionnements et ses actions.
Par Vanina Delmas
À Toulouse, une véritable « chasse à la pute »
Prostitution 18 novembre 2024 abonné·es

À Toulouse, une véritable « chasse à la pute »

Dans la Ville rose, les arrêtés municipaux anti-prostitution ont renforcé la précarité des travailleuses du sexe, qui subissent déjà la crise économique. Elles racontent leur quotidien, soumis à la traque des policiers et aux amendes à répétition.
Par Pauline Migevant