Pour la libération et la régularisation d’Abdoulaye, la mobilisation continue
Le jeune opposant politique risque toujours une expulsion dans les prochains jours. Autour des étudiants et collectifs engagés pour sa libération, le président de Paris-1 a finalement répondu présent.
Vendredi dernier, nous vous parlions d’Abdoulaye, un jeune étudiant Guinéen menacé d’expulsion. Après plus d’une semaine de mobilisation, engagée par les étudiants de Paris-1 et les militants du Réseau universitaires sans frontière (RUSF), nous revenons sur l’évolution de sa situation.
Placé en centre de rétention après avoir été arrêté le 13 septembre sans autre papier que sa carte d’étudiant, Abdoulaye est aujourd’hui sous le joug d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais un dernier recours juridique existe.
Après son placement en centre de rétention administratif, l’étudiant a enfin pu déposer son dossier pour obtenir l’asile politique. Adressé à l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), cette requête devrait, dans les prochains jours, donner lieu à un entretien. Si celle-ci a toutefois peu de chance d’aboutir, « il reste l’espoir de voir les soutiens s’organiser afin d’obtenir la libération et la régularisation d’Abdoulaye », soupire une militante de RUSF. Pourtant, celui-ci « risque la mort s’il devait retourner en Guinée », insistent les soutiens de l’étudiant, qui appellent à un grand rassemblement solidaire samedi 24 septembre à 14h devant le CRA de Joinville, où il est actuellement incarcéré.
Une pétition adressée à la préfecture de Paris a par ailleurs été mise en ligne il y a deux jours, récoltant d’ores et déjà plus d’un millier de signatures.
Un soutien inespéré
En entendant parler de la situation à laquelle Abdoulaye était confronté, l’un de ses anciens camarades de l’université de Conakry s’est manifesté. Diallo, désormais étudiant à Paris-8, a ainsi pu attester des risques qu’encourrait Abdoulaye dans son pays si celui-ci devait y retourner. D’après RUSF, il aurait même affirmé que le jeune militant de 25 ans était l’un des défenseurs des étrangers menacés d’expulsion dans son pays… Une anecdote que la militante de RUSF révèle, non sans en appuyer l’ironie :
Diallo nous a permis de confirmer certaines informations données par Abdoulaye et de centrer notre mobilisation autour de son engagement politique en Guinée. La présidence de Paris 1, qui avait jusqu’ici refusé d’apporter publiquement son soutien, a finalement accepté de se joindre à nous après avoir reçu une lettre écrite par le jeune étudiant.
Dans cette missive, adressée au président de Paris-1, le jeune homme explique avoir rencontré Abdoulaye à travers son engagement, alors que tout deux étaient encore étudiants en Guinée.
Le décrivant comme un élève brillant, il confirme le militantisme d’Abdoulaye au sein de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), un parti de l’opposition réprimé par le pouvoir en place. Comme nous l’écrivions déjà vendredi 16 septembre, Abdoulaye fut l’un des organisateurs de la manifestation pacifiste du 4 avril 2013, qui s’est achevée dans le sang. Le soir même, Abdoulaye dit avoir été la cible de menaces de mort. Se sachant recherché par les forces de l’ordre, qui étaient venues chez lui espérant l’arrêter, l’étudiant s’est enfui. Clandestinement, celui-ci a d’abord pris la route pour Bamako et, après un périple de plusieurs mois, est arrivé en France.
Sollicitant le soutien du monde universitaire, les étudiants ont réussi à obtenir l’aide de nombreux enseignants et chercheurs, signataires de la pétition. Georges Haddad, le président de l’université de Paris-1, s’est d’ailleurs dit pleinement engagé dans la demande de libération d’Abdoulaye, assurant faire tout ce qui était en son« pouvoir pour aider ce jeune homme ». Mais d’après RUSF, les espoirs restent minces :
Trois solutions existent : Abdoulaye est relâché, mais demeure dans l’obligation de quitter le territoire français. Il réussit à obtenir un permis de séjour en tant qu’étudiant. Ou bien il est expulsé, comme prévu…
Et là encore, ce n’est pas simple. Avant son arrivée en France, Abdoulaye se serait réfugié dans deux autres pays européens. Malheureusement, il y a peu de chance que l’un des deux acceptent de le laisser entrer sur son territoire. Si une expulsion devait avoir lieu, elle devrait donc le mener directement à Conakry, où celui-ci risque de perdre la vie, ou sa liberté.
Le Réseau universités sans frontières, qui précise que le cas d’Abdoulaye est loin d’être isolé, revendique d’ailleurs le droit à une carte de séjour pour les étrangers détenant une carte étudiante. Aussi, RUSF continue de réclamer « l’égalité des droits entre étudiants français et étrangers », « le soutien à la création de réseaux de solidarité avec les étudiants étrangers » ou encore « l’abandon de la sélection par les préfectures ».
Dans un communiqué, relayant l’appel au rassemblement devant le centre de rétention de Joinville, l’Unef s’indigne devant la remise en question « du droit à la poursuite de ses études », arguant que « la nationalité ne [devait] pas être une barrière à l’éducation ». De même, le syndicat étudiant exige « l’approbation de sa demande d’asile en vue de la régularisation de sa situation, l’annulation dans les plus brefs délais de son obligation de sortie de territoire et sa libération immédiate afin qu’il puisse poursuivre ses études ».
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