Exaspérés par l’inaction de leurs élus, des citoyens ouvrent un centre d’accueil pour les réfugiés
Face à l’inertie des pouvoirs publics, des habitants de la vallée de la Roya ont décidé de prendre les devants et d’ouvrir un centre d’accueil aux migrants qui franchissent la frontière franco-italienne.
Cette nuit, une cinquantaine de réfugiés ont pu passer la nuit à l’abri. Révoltés devant l’inaction du gouvernement et des autorités locales, qui refusent d’accueillir les migrants, y compris les mineurs, les habitants de la vallée de la Roya ont entrepris de répondre, eux-mêmes, à l’urgence de la situation en créant un centre d’accueil pour les réfugiés en transit.
« Nous ne prétendons pas qu’il s’agit d’une situation idéale, confie Cédric Herrou, agriculteur et membre de l’association Roya citoyenne. Mais que faire d’autre ? » Lundi matin, différentes associations locales et organisations humanitaires se sont réunies dans l’intention de résoudre les problèmes les plus urgents. Au sortir de ces discussions, ils avaient créé un collectif. Quelques heures plus tard, la décision d’occuper les anciens bâtiments d’une colonie de vacances à Saint-Dalmas-de-Tende (Alpes-Maritimes) était prise.
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Suite à la fermeture des frontières par la France, notamment celle de Menton, la vallée de la Roya connaît un afflux sans précédent de réfugiés en détresse […] dans des conditions sanitaires déplorables. Sans réponse des pouvoirs publics […] qui fuient leurs responsabilités, le collectif a pris la décision d’ouvrir un lieu d’accueil humanitaire de transit dès ce soir.
« Tout est allé très vite. Dans l’après-midi, nous étions déjà en train d’investir ce nouveau lieu et d’organiser un accueil », continue l’agriculteur. Un peu plus tard dans la soirée, un communiqué est envoyé au nom du collectif, « Solidarité Roya-Frontière franco-italienne », expliquant succinctement les motivations et l’absolue nécessité de cette démarche :
Il y a deux semaines, des associations de la Roya et des citoyens alertaient sur les scènes de chasse aux réfugiés dans leur vallée. En dépit des dangers de cette région escarpée du sud-est de la France, les forces de l’ordre n’hésitent pas à courir après les migrants qui tentent de passer la frontière avec l’Italie, depuis le camp de Vintimille. Parmi eux, beaucoup de mineurs qui, s’ils sont attrapés, subissent le même sort que les autres et sont effectivement renvoyés à Vintimille, malgré les lois et conventions internationales qui « obligent » l’État à protéger ces personnes considérées comme vulnérables.
Pour avoir mis à l’abri des jeunes réfugiés Érythréens, se déclarant mineurs, qui avaient été arrêtés mardi dernier par les forces de l’ordre, Cédric Herrou était d’ailleurs convoqué cet après-midi à 14h30 à la gendarmerie de Breil-sur-Roya.
L’initiative de la dernière chance ?
« Ce centre d’accueil, c’est notre dernière solution », souffle Élisabeth Grimanelli, membre de la Cimade dans les Alpes-Maritimes. En effet, malgré l’engagement des organisations, des associations et même des habitants, « le gouvernement et les autorités locales continuent de fuir leurs responsabilités ». Choquée par la mort de Milet Tasfemariam, une jeune Érythréenne de 17 ans percutée le 7 octobre par un camion alors qu’elle tentait de traverser un tunnel pour rejoindre la France, Élisabeth Grimanelli revient sur la présence des soldats dans la vallée de la Roya, chargés de courir après les migrants, et proteste contre une « politique insoutenable ».
Le 22 septembre, le département des Alpes-Maritimes à majorité Les Républicains (LR) a voté une motion pour s’opposer à l’accueil de migrants en transit à Calais, alors que le plan gouvernemental prévoit l’ouverture de nombreux lieux partout en France dans le cadre du prochain démantèlement du camp.
« Cette décision de créer un centre dans des locaux que nous occupons par manque de moyens n’est pas la solution miracle, reprend Cédric Herrou, mais elle nous permet de parer au plus pressé. » Dans la nuit de lundi à mardi, une cinquantaine de réfugiés ont donc pu dormir dans des bâtiments désaffectés à Saint-Dalmas-de-Tende, un village au cœur de la vallée de la Roya.
Si pour le moment tout reste à faire, « une centaine de personnes sont prêtes à installer le nécessaire », assure l’agriculteur. Aux côtés du collectif, les migrants vont également participer à la création d’une cuisine, de lits et de sanitaires, pour assurer une mise à l’abri digne. Ce que refuse actuellement les autorités.
Consciente que cette occupation n’est pas tout à fait « légale », l’association Roya citoyenne a décidé de jouer la transparence et d’avertir les médias de la présence de ce centre d’accueil. Car, d’après Cédric Herrou, « ils ne [leur] laissent pas le choix ». Ce matin encore, Roya citoyenne alertait sur le risque d’être évacué par les autorités et appelait les habitants et les associations à venir prêter mains fortes aux personnes sur place.
Le 10 octobre, ces associations, aux côtés de Médecins du Monde (MDM) avaient solennellement demandé la réouverture de la frontière franco-italienne que les migrants continuent de franchir au péril de leur vie, accusant notamment la France de violer ses propres engagements internationaux en matière de droits humains. Mais leur appel n’a, une fois de plus, pas été entendu.