Indignations après le démantèlement du lieu d’accueil pour les migrants dans la vallée de la Roya

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 21 octobre 2016
Partager :
Indignations après le démantèlement du lieu d’accueil pour les migrants dans la vallée de la Roya
© Photo : DR. Pascal Chicaud

Le lieu d’accueil humanitaire de transit, établi lundi à Saint-Dalmas-de-Tende (Alpes-Maritimes) par un collectif déterminé à trouver des solutions dignes pour héberger les réfugiés, a été démantelé jeudi matin par les forces de l’ordre.

Sur place, une soixantaine de personnes ont été évacuées, dont des mineurs étrangers et des militants associatifs. Parmi elles, quatre ont été mises en garde à vue. Si Pierette, Solsticia et Thibault ont été libérés, Cédric Herrou, connu pour accueillir des réfugiés sur sa propriété et membre de l’association Roya citoyenne, est toujours privé de liberté. Il devrait comparaître devant un juge en début de soirée ou lundi, pour « aide à l’entrée et au séjour irrégulier », et « occupation illicite d’un bâtiment ».

À lire >> Exaspérés par l’inaction de leurs élus, des citoyens ouvrent un centre d’accueil pour les réfugiés

Dans un communiqué diffusé vendredi après-midi, l’association a appelé les habitants de la région à la solidarité et à participer au rassemblement organisé devant le palais de justice de Nice en soutien à Cédric Herrou :

Nous ne laisserons pas les pouvoirs publics s’acharner sur un bouc émissaire et se défiler quant aux problèmes de fond bien réels dus à la fermeture des frontières et à la non-prise en charge des personnes vulnérables.

Si Cédric Herrou est le seul à avoir été gardé à vue depuis l’évacuation de cet ancien centre de colonie de vacances de la SNCF, « c’est probablement parce que celui-ci n’a pas hésité à médiatiser le fait qu’il hébergeait des migrants sur son terrain, confie Suzel Prio, membre de la même association. Les médias peuvent alerter, et même protéger en un sens, mais le contraire peut aussi se produire… » Le New York Times notamment, peu apprécié de Manuel Valls, lui a consacré un reportage.

© Politis

Malgré la prolongation de sa garde à vue, Cedric Herrou reste « serein », selon les mots de son avocat, Me Zia Oloumi :

Mon client a demandé à voir un juge car il ne se reproche rien. Il estime avoir été contraint à l’occupation de ce lieu face à l’absence de prise en charge des pouvoirs publics. Pour lui, l’objectif était purement humanitaire.

Où sont passés les réfugiés mineurs ?

Les autorités ont assuré aux associations que les moins de dix-huit ans qui ont été interpellés sur les lieux avaient été orientés vers une structure médicale pour un bilan de santé et placés dans des foyers d’accueil. Mais des doutes persistent.

« Nous n’avons eu aucune confirmation », souffle Suzel Prio. Selon une source, préférant restée anonyme, les autorités auraient en effet tenté de faire réadmettre ces réfugiés érythréens en Italie. Mais suite à leur refus, elles auraient été contraintes de renoncer à ce projet qui contrevient aux lois et conventions internationales en matière de droits de l’homme.

Sur ce point, Me Zia Oloumi envisage d’ailleurs de demander des explications : « Puisqu’il y a eu des arrestations, il doit y avoir des procédures, explique l’avocat de Cédric Herrou. C’est une des questions que j’ai l’intention de poser au parquet. »

De leur côté, les services sociaux du département des Alpes-Maritimes, contactés par Politis, n’ont pas été en mesure de répondre à nos questions. Seule certitude, les migrants adultes ont été reconduits à la frontière franco-italienne. Et le problème de fond demeure.

On ne veut pas défier les autorités, on voudrait qu’elles comprennent qu’il y a des hommes et des femmes qui ont besoin d’aide.

Il y a trois jours, une pétition adressée à François Hollande avait été lancée pour que le centre d’accueil de Saint-Dalmas-de-Tende reste ouvert. Si les quelque 500 signatures n’ont pas eu raison de la décision des pouvoirs publics de fermer le lieu, largement encouragée par le président du conseil départemental Eric Ciotti, et le président de la région PACA Christian Estrosi, tous deux membres du parti Les Républicains (LR), les militants y évoquaient une occupation loin de constituer une « provocation » à l’égard des autorités :

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

La Commission européenne propose un énième tour de vis sécuritaire sur l’immigration
Asile 13 mars 2025 abonné·es

La Commission européenne propose un énième tour de vis sécuritaire sur l’immigration

Le pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté en juin 2024, ne contenait pas de volet sur les rapatriements vers les pays d’origine. Sous la pression d’une majorité de gouvernements européens, la Commission a présenté au Parlement européen une réglementation très stricte sur les « retours ».
Par Giovanni Simone
« Les Écologistes ont besoin de refaire de la politique »
La Midinale 12 mars 2025

« Les Écologistes ont besoin de refaire de la politique »

Harmonie Lecerf Meunier, candidate au poste de secrétaire nationale des Écologistes et adjointe au maire de Bordeaux, est l’invitée de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Municipales en banlieue de Lyon : deux insoumis sur les rails
Politique 12 mars 2025 abonné·es

Municipales en banlieue de Lyon : deux insoumis sur les rails

Idir Boumertit et Abdelkader Lahmar, issus des quartiers populaires de Vénissieux et Vaulx-en-Velin, ont de sérieuses chances de ravir ces mairies en 2026. Là-bas, les habitants sont prêts à se mobiliser pour des candidats qui les représentent.
Par Oriane Mollaret
« Les cahiers de doléances, la plus grande expression libre de notre histoire »
Entretien 10 mars 2025 abonné·es

« Les cahiers de doléances, la plus grande expression libre de notre histoire »

La députée écologiste de la Drôme Marie Pochon défend une proposition de résolution transpartisane visant à rendre publics les cahiers de doléances issus des gilets jaunes. Examiné le mardi 11 février, le texte pourrait, selon elle, être adopté.
Par Lucas Sarafian