Plus de 3 800 migrants évacués du camp de Stalingrad, à Paris
L’opération a débuté vers 6 heures, ce vendredi matin.
Le long de l’avenue de Flandres menant jusqu’au métro Stalingrad, des vestiges de tentes multicolores, de matelas trempés, de couvertures de survie déchirées, des baskets et jeans oubliés jonchent le sol. Au loin, des milliers de migrants soudanais, afghans et érythréens font les cent pas en attendant de pouvoir monter dans un car.
Le démantèlement du « plus grand campement » de migrants depuis la fin de Calais a débuté vers 6 heures ce vendredi matin. L’information a circulé la veille au soir grâce aux associations et aux réseaux sociaux, donc beaucoup d’entre eux avaient déjà préparé leurs sacs, même si leur destination reste bien floue dans leur tête. Certains jouent au foot pour patienter. L’un des responsables de la préfecture passe au même moment et confisque le ballon… avant de leur redonner. Humour…
« C’est une grosse opération », a insisté le préfet de la région Île-de-France Jean-François Carenco, qui vise à orienter plusieurs centaines de personnes vers des gymnases, et 74 centres d’hébergement en Île-de-France. Les forces de l’ordre faisaient s’asseoir les migrants prêts à entrer dans le car, pour qu’ils attendent leur feu vert calmement. À 12h30, l’évacuation était terminée et 3 852 personnes étaient « mises à l’abri », le temps de régler leur situation administrative, pour ceux voulant demander l’asile.
De nombreux habitants du quartier sont descendus de chez eux pour témoigner de leur solidarité et veiller à ce que « l’opération » respecte la dignité de chacun.
Ce n’était plus un camp de réfugiés dans un quartier mais un quartier dans un camp de réfugiés. Cela fait des mois que nous nous organisons pour les aider un peu au quotidien. Chaque groupe d’immeubles a créé un mini-collectif (Flandres, Villette…) pour faire pression et agir au mieux, explique l’un des bénévole du collectif quartier Stalingrad qui a réussi à interpeller Anne Hidalgo, la maire de Paris.
Cette dernière a rappelé qu’un « centre d’accueil humanitaire » doit ouvrir dans la capitale. Mais la date est repoussée depuis plus d’un mois, se résumant aujourd’hui encore à « dans les jours qui viennent ». Doté de 400 lits au départ, il accueillera les migrants quelques jours, avant de les répartir en Centre d’accueil et d’orientation (CAO). La maire de Paris avait posé en condition préalable à son ouverture l’évacuation du campement de Stalingrad.
Certains habitants regardent les files de cars sans comprendre. « Ils partent ?, demande une dame, prête à rentrer chez elle. Je ne savais pas ! J’ai préparé ma marmite de soupe pour eux, comme tous les jours ! Je vais attendre un peu, peut-être que certains vont rester dans les parages. » Une autre oscille entre tristesse et satisfaction. « C’est mieux pour eux d’être au chaud avec ce temps, ce n’était plus vivable. Surtout qu’ils sont passés à 3 000 personnes en à peine une semaine, lance une autre riveraine. Et ils savaient que d’autres arrivaient d’Italie car l’un de mes nouveaux amis avait eu un appel. J’espère qu’ils seront bien dans ces centres… »
À quelques mètres, une dizaines de bénévoles d’Utopia56 et de Science Po refugee help s’affairent à remplir des sacs poubelles avec les tentes et les bâches encore en bon état. « Nous les emmenons pour les nettoyer et les stocker, comme ça nous pourrons les redistribuer quand certains reviendront s’installer sous le métro », expliquent-ils, plus lucides que les pelleteuses qui rasent tout sur leur passage de l’autre côté de la rue.
Près de 600 membres des forces de l’ordre étaient mobilisés pour sécuriser un large périmètre. À l’intérieur, seuls les « officiels », les journalistes et quelques associations comme Emmaüs ou France terre d’asile étaient autorisés. Un comité de départ, notamment composé de bénévoles du collectif La Chapelle debout, s’était posté place du Maroc, pour voir partir les cars et apporter un dernier soutien aux migrants qu’ils ont côtoyés depuis des semaines. Dernières images avant leur nouvelle destination : des mains leur disant au revoir. Un dernier écho : « So-So-Solidarité, avec les réfugiés ».