Procès de Cédric Herrou : le retour du délit de solidarité ?
Jugé au tribunal de Nice pour avoir aidé des migrants près de la frontière franco-italienne, l’agriculteur a revendiqué des actes politiques.
« Je le fais parce qu’il faut le faire », assume Cédric Herrou devant le tribunal de Nice à l’ouverture de son procès le 4 janvier. Lui reprochant l’installation – sans autorisation – d’une cinquantaine d’Érythréens dans un ancien centre de vacances de la SNCF, le procureur a requis 8 mois d’emprisonnement avec sursis.
« Même si vous me condamnez, le problème continuera »
Durant l’année 2016, Cédric Herrou commence à prendre les migrants qu’il rencontre sur la route en stop, les déposant à la gare la plus proche. Petit à petit, il s’intéresse aux raisons de leur présence, à la gestion de leur accueil … Il en héberge certains chez lui, mais cela devient compliqué. « Il y avait trop de monde, alors, avec l’association Roya Citoyenne et le soutien d’autres associations, nous avons ouvert un squat dans un local désaffecté de la SNCF, à Saint-Dalmas-de-Tende. »_ Entrés le 17 octobre, les occupants sont évacués 3 jours après par les forces de l’ordre. On reproche alors à l’agriculteur d’avoir voulu créer une résidence dans un local privé, mais aussi d’avoir fait passer la frontière à des migrants. Interrogé par le tribunal sur l’évolution de la situation depuis octobre, il répond qu’il continue d’héberger des migrants, mineurs comme majeurs. « Même si vous me condamnez, le problème continuera », a assené l’accusé.
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Un procès politique
Son avocat, Zia Oloumi, a plaidé pour une relaxe, estimant que le délit n’était pas caractérisé, faute d’éléments matériels. En effet, sur l’accusation de transport, Cédric Herrou n’a pas été pris en flagrant délit : « Ils (les gendarmes) se basaient sur des reportages et un article du New York Times », a affirmé l’agriculteur. « Aujourd’hui, on veut faire condamner Herrou pour que les autres ne recommencent pas », estime maitre Oloumi s’opposant au procureur Jean-Michel Prêtre. Ce dernier a dénoncé l’usage du procès comme « une tribune politique » et a requis 8 mois d’emprisonnement avec sursis mise à l’épreuve et la confiscation de son véhicule, ainsi qu’un usage limité de son permis de conduire aux besoins de sa profession. « Nous sommes dans la situation d’un procès qui a été voulu, qui procède d’une stratégie générale de communication, de portage militant d’une cause et qui fait que la justice est saisie aujourd’hui de faits reconnus. »
Cédric Herrou « Azuréen de l’année »
Politique, ce procès l’est. Outre les divers soutiens de personnalités et élus sur les réseaux sociaux, le cas Herrou a été largement commenté par Eric Ciotti, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Après que Nice-Matin ait élu le militant « Azuréen de l’année 2016 » dans un sondage publié sur leur site le 29 décembre (avec 4257 voix sur 7677 votants), l’élu a réagis dans une tribune publiée sur le même journal. Il y répète 5 fois que « _Non, M. Herrou ne peut pas être l’Azuréen de l’année ! » et ajoute finement « Qui peut dire avec certitude que dans les centaines de migrants que M. Herrou se targue d’avoir fait passer ne se dissimule pas un futur terroriste ? » Une accusation tout sauf anodine pour l’agriculteur qui, malgré ces attaques, dispose d’un soutien populaire : la pétition « Solidarité avec les Solidaires » a recueilli plus de 16 000 signatures.
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Solidaire, un ancien délit
C’est la question du délit de solidarité qui est au cœur de cette affaire. Cette appellation, plus politique que judiciaire, vise en réalité l’article 622-1 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Celui-ci prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France». Durant la campagne présidentielle, la gauche promet de s’engager dans une réforme de la législation. C’est chose faite avec la loi du 31 décembre 2012 qui élargit les clauses d’immunité à « toute personne physique ou moral sans but lucratif qui porte assistance à un étranger, lorsque cette aide n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie digne à l’étranger. »
Mais cette « immunité humanitaire » se cantonne à l’aide au séjour, et non à l’aide à l’entrée et à la circulation. Les membres de Roya Citoyenne se sont, eux aussi, emparés de la justice en déposant plainte pour « délaissement des personnes hors d’état de se protéger » . Ce sont alors les autorités françaises qui sont visées car n’assumant pas, selon l’association, leur devoir d’assistance envers les mineurs. « Nous sommes dans l’impossibilité de faire face à ce qui se passe. C’est le seul moyen de dénoncer cette situation que nous ayons trouvé », explique Nadia, une membre de l’association.
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