5,5 milliards d’euros pour éponger les emprunts toxiques

Les collectivités locales ont été contraintes d’abandonner les poursuites judiciaires contres les banques responsables des crédits pourris. En définitive, la facture a été payée aux trois quarts par les contribuables.

Erwan Manac'h  • 14 février 2017
Partager :
5,5 milliards d’euros pour éponger les emprunts toxiques
© Photo : Jacques Loic / Photononstop

À bas bruit, l’énorme scandale financier des emprunts toxiques est en train de se solder aux frais du contribuable. En effet, 578 collectivités locales ont accepté de passer à la caisse pour se débarrasser des crédits pourris, dont le taux d’intérêt avait parfois bondi à plus de 25 % en raison des montages spéculatifs sur lesquels ils étaient adossés, selon un chiffre révélé par Les Echos.

Pour sortir de ce bourbier, le deal était le suivant : la collectivité accepte d’abandonner toutes les poursuites judiciaires contre les banques prêteuses et négocie un réaménagement des emprunts, moyennant des pénalités souvent salées. Elle peut alors solliciter le fonds d’aide de l’État qui lui reverse une partie de la douloureuse. Coût total de l’opération : 5,5 milliards d’euros, payés aux trois quarts par le contribuable. Le dernier quart revenant aux banques. « Ce qui est scandaleux, c’est que ça met en jeu des sommes énormes et que ça se passe sans un bruit », tonne Patrick Saurin, ancien banquier et spécialiste du dossier. La partie n’est toutefois pas totalement terminée. Des dossiers sont encore entre les mains de la justice, grâce à l’opiniâtreté d’une poignée de citoyens et d’élus qui refusent de baisser les bras.

C’est notamment le cas à Nîmes, où la communauté d’agglomération a remboursé par anticipation un emprunt toxique de 10 millions d’euros, dont le taux d’intérêt dépassait 25 %. Et ce, moyennant une pénalité de 58,6 millions d’euros. C’est également le cas à Dijon, où François Rebsamen, maire et président de la communauté urbaine, avait souscrit en 2009 pour 36 millions d’euros d’emprunts pourris. Ce même François Rebsamen siégeait, de 2003 à 2008, au conseil d’administration de la banque Dexia.

La guérilla judiciaire avait commencé par une série de victoires des collectivités contre les banques, sur un point de détail juridique (l’absence ou le caractère erroné du « Taux effectifs globaux » dans les contrats). Mais après avoir récupéré les encours toxiques de Dexia suite à la faillite de cette banque, l’État a fait voter en 2015 une loi de validation rétroactive pour rendre légaux des contrats qui ne l’étaient pas. La justice doit désormais trancher sur d’autres points de droit : la légalité des emprunts hautement spéculatifs à destination des collectivités locales et les devoirs des banques en matière d’information, de conseil et de mise en garde. « On attend une décision définitive de la Cour de cassation. Cela prendra du temps et je ne suis pas très optimiste au vu du puissant lobbying des banques », note Patrick Saurin.

Économie
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?
Économie 4 décembre 2024 abonné·es

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?

Au cœur de la détresse des exploitants : la rémunération globalement bien trop faible, en dépit de fortes disparités. La question, pourtant, peine à faire l’objet de véritables négociations et à émerger dans le débat public.
Par Vanina Delmas
Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte
Transport 5 novembre 2024 abonné·es

Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte

Après l’annonce de la liquidation, au 1er janvier 2025, de Fret SNCF, les syndicats de cheminots unis ont été reçus par la direction ce 5 novembre. Ils déplorent un passage en force et annoncent une « fin d’année très conflictuelle ». Première journée de grève prévue le 21 novembre.
Par Pierre Jequier-Zalc
Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?
Budget 4 novembre 2024 abonné·es

Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?

Depuis trois semaines, le Nouveau Front populaire enchaîne les victoires sociales et écologiques dans un hémicycle clairsemé. Au point que la copie actuelle du budget serait, selon Éric Coquerel, « NFP-compatible ». Jusqu’au 49.3 ?
Par Lucas Sarafian
Les 10 scandales du budget Barnier
Budget 15 octobre 2024 abonné·es

Les 10 scandales du budget Barnier

Le budget 2025 se présente comme l’un des plus austéritaires depuis des décennies. En refusant de tirer un trait sur la politique de l’offre, il abrite de nombreuses mesures injustes qui risquent d’accroître plus encore les inégalités sociales et écologiques.
Par Pierre Jequier-Zalc