Le parquet efface le viol policier

Le nouvel épisode de violences policières doublé d’une agression sexuelle contre un jeune d’Aulnay-sous-Bois suscite l’indignation dans son quartier et au-delà, mais pas celle du syndicat policier Alliance ni de la justice, qui a requalifié les faits.

Christophe Kantcheff  • 7 février 2017
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Le parquet efface le viol policier
© Photo : FRANCOIS GUILLOT / AFP

Il s’appelle Théo. Il a 22 ans et habite la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ce jeudi 2 février, à 17 heures, il se retrouve face à la police, qui opère une descente dans le quartier. « J’étais de dos, mais de trois quarts, donc je voyais ce que [l’un des quatre policiers] faisait derrière moi, a raconté Théo à son avocat, qui a enregistré son témoignage, diffusé ensuite à la télévision. Il prend sa matraque et me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement […]. Quand ils m’ont emmené dans la voiture, ils m’ont encore frappé. Ils m’ont mis plein de coups, matraqué les parties intimes. Ils m’ont craché dessus, traité de négro, bamboula, salope. » Théo a dû être opéré d’urgence en raison d’une lésion du canal anal de 10 centimètres et d’une section du muscle sphinctérien.

Malaise dans la police ? Pas vraiment. Pour le syndicat Alliance, c’est la routine, étant donné « les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles les policiers exercent leur métier dans ces quartiers ». Le parquet, lui, s’est repris après un moment d’égarement républicain. Dans un premier temps, les quatre policiers impliqués ont été accusés de « viol en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique ». Puis le parquet s’est ravisé (la voix de son maître aurait-elle retenti ?), le quarteron d’intouchables se retrouvant sous le coup d’une enquête pour « violences volontaires avec armes ». Comme il a été dit sur Twitter, on va finir par leur reprocher un simple désaccord… Le juge d’instruction qui a hérité du dossier a tout de même rétabli l’accusation de viol pour l’un des nervis.

À Aulnay, où la tension est extrême, le maire LR, Bruno Beschizza, qui plus est ancien officier de police et ex-secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers, s’est indigné de la requalification de l’inculpation, « vécue, a-t-il lancé, comme un détournement de vérité ». La justice va désormais faire son travail – selon la formule consacrée. En parallèle, Théo a saisi le Défenseur des droits. Sage initiative. Par ailleurs : dans l’affaire Adama Traoré, la presse vient de révéler que les gendarmes n’ont pas dit toute la vérité, le jeune homme ayant pu, contrairement à leurs déclarations, mourir dans le véhicule où on lui a pratiqué le plaquage ventral, technique d’interpellation réputée dangereuse. Pour éviter le sort de Théo et d’Adama, Zyed et Bouna, eux, ont préféré courir…

Culture
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