Lutter contre le gaspillage des végétaux, plus qu’une vocation, un combat !

Une SPA pour sauver les plantes de la benne à tout jamais ! C’est l’ambitieux combat dans lequel s’est lancé un jeune Lyonnais, en créant la première Société protectrice des végétaux. Une solution concrète pour lutter contre le gaspillage des plantes et les réintroduire en ville.

Noémie Pitavin  • 27 avril 2021
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Lutter contre le gaspillage des végétaux, plus qu’une vocation, un combat !
© Photo : Noémie Pitavin

Ce sont des instants de vie qui nous avaient presque échappé. Sur le plateau de verdure de la halle Girondins, la douceur printanière a déconfiné les sourires de quelques Lyonnais.es, venu.es profiter des rayons de soleil lors de la pause déjeuner. Devant la fresque murale de l’ancienne halle industrielle, se trouve un refuge assez spécial. Baptisé la Société protectrice des végétaux (SPV), ce sanctuaire recueille des plantes invendues ou ne faisant plus le bonheur des particuliers. Délaissées mais pourtant toujours vivantes, elles sont recueillies par le gardien des lieux, Nicolas Talliu, dans le but de trouver un foyer. Sortie de terre le 1er mars, la première SPA des plantes suscite la curiosité.

Installé dans sa petite serre de 13m2, entre ficus, monstera et cactus, Nicolas profite de l’accalmie pour raconter son parcours. « Petit je voulais m’occuper des animaux », se rappelle-t-il. Originaire du sud de Lyon, il grandit dans un milieu semi-urbain, à la recherche, « de plus de nature ». Il n’a eu de cesse de développer son amour pour l’environnement, de son bac au BTS jusqu’à sa formation d’architecte du paysage. Jardinier, paysagiste, vendeur de plantes d’intérieur, pépiniériste… et aujourd’hui plantsitter et brocplanteur, Nicolas a bien défriché le terrain des métiers consacrés aux plantes.

Et a ainsi cultivé sa persévérance pour ramener la nature en ville. « On en a tous besoin, surtout en ville car c’est elle qui nous permet de respirer », insiste-il. Dans ses diverses expériences, c’est à Paris qu’il a constaté le plus de potentiel de nature : « Chez des clients aisés et intéressés par l’écologie, tout est possible. Ils n’ont pas de contraintes financières pour la gestion de leur jardin ». L’ambition du jeune paysagiste va au-delà des jardins des particuliers, mais il se heurte aux contraintes politiques. « Aujourd’hui si vous voulez mettre des arbres fruitiers en ville, c’est un vrai casse-tête. Il faut payer du personnel pour entretenir, récolter, contrôler et redistribuer les fruits. C’est toute une gestion et autant de frais que personne ne veut engendrer », raconte-t-il. Loin de s’avouer vaincu, il décide alors de prendre la tangente et de monter sa propre société.

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Prenant racine à Lyon, l’aventure de la SPV débute en juin 2020, sous le nom de « gardien des plantes ». Le rêve du jeune pépiniériste de ramener des plantes en ville semble simple. Mais il « souhaite aussi que les plantes soient reconnues comme des êtres vivants ». Soucieux du bien-être végétal, il débute sa croisade contre la maltraitance des végétaux, avec un hospice pour plantes. Dans son centre de soin, il s’occupe de plantes malades et laissées en gardiennage par des propriétaires partis en vacances. « C’est une responsabilité d’avoir des animaux, donc on les met au refuge pendant les vacances. Les végétaux, c’est pareil ! C’est irrespectueux de ne pas s’en préoccuper. N’oublions pas qu’ils n’ont pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin d’eux », s’indigne-t-il.

Tandis que le site internet est en cours de création, une opportunité de terrain se présente à Nicolas. « Je pensais mettre au moins deux ans pour démarcher la ville et trouver un terrain pour développer la SPV », se souvient-il. Alors qu’il économise depuis cinq ans pour l’achat d’un appartement, il fait le choix de privilégier son projet professionnel. Grâce à son capital personnel, il investit dans une serre urbaine et l’aménagement de sa pépinière commence.

À l’issue de deux mois de travaux, la SPV voit le jour et accueille ses premières plantes sauvées et ses premiers client·es. Parmi elles, Camille et Anaïs, résidentes du quartier. « Je trouve ça vraiment important d’éviter la poubelle à toutes ces plantes », réagit Camille. L’occasion aussi de partager et d’apprendre les bons gestes. « Je n’ai pas vraiment la main verte, mais maintenant je sais où trouver des conseils pour entretenir et prévenir mes fleurs des maladies », ajoute Anaïs.

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Lutter « pour que l’engouement végétal ne se transforme pas en désastre écologique »

Mener des missions de sauvetage de plantes, démarcher des partenaires, animer des ateliers de rempotage, ou encore se rendre chez des particuliers pour soigner des plantes… Le jeune Lyonnais ne sait plus où donner de la tête. Actuellement en partenariat avec trois pépinières, Nicolas ne peut récupérer qu’un dixième des végétaux jetés par chacune d’elles. Même en multipliant son espace extérieur par cinq, il ne pourrait pas tous les secourir.

Un manque de place mais aussi d’argent. « Je ne bénéficie pas de subventions, mais je persévère pour faire reconnaître mon projet comme essentiel pour la ville ». Pour avoir le droit à des subventions, il aurait fallu que la SPV soit reconnue d’intérêt public, pourtant Nicolas Talliu l’affirme, son action l’est. « Les gens ne se rendent pas compte de l’impact environnemental que représente l’achat d’une plante, regrette-t-il. Venues d’industries lointaines, un tiers des plantes vendues chez les pépiniéristes ne sont pas produites en France. » Face à la demande croissante du vert, la SPV lutte justement « pour que l’engouement végétal ne se transforme pas en désastre écologique ». Ainsi, pour réduire l’empreinte carbone, le circuit court est valorisé. Un double avantage pour les villes d’aujourd’hui et de demain, qui pourraient bénéficier de plantes adaptées à leur climat à travers la végétalisation locale.

La suite se passe d’ailleurs à l’extérieur de la serre, où Nicolas s’attarde sur un arbutus unedo (ou arbousier), vendu à la place d’un eucalyptus. « J’ai proposé cette alternative au client car c’est une variété plus adaptée au gel et produite en terre lyonnaise », explique-t-il. Le local dans la production végétale ne s’arrête pas à l’achat d’une plante, cela consiste aussi à inclure tous les acteurs du végétal dans une dynamique de proximité. « Il est bon de s’informer sur la provenance des engrais et des accessoires », conseille le pépiniériste. Tel est le cas de son terreau, exclusivement issu de la valorisation de déchets organiques et produit à Lyon.

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Repenser la chaîne de valeur des végétaux

Sauver quelques plantes ne suffit pas, c’est tout un système qu’il faut réformer. « Actuellement les végétaux sont considérés comme des biens consommables et périssables. Il existe des démarches de recyclage pour les meubles, l’alimentation, mais rien pour les plantes », déplore Nicolas. Des entreprises comme Too good to go, Botanic ou encore Maison Bouture se sont pourtant déjà saisies du marché antigaspi, en mettant en vente à prix réduit leurs plantes. Mais pour Nicolas, il s’agit seulement « d’un moyen d’écouler la marchandise et de se faire de la marge sur leur stock ».

À son sens, ce type d’initiative ne permet pas de lutter contre la maltraitance des végétaux mais donne plutôt de « la valeur à un déchet ». « Or une plante n’est pas un déchet ! Si on sait s’en occuper, elles restent en vie, insiste le pépiniériste. Si je ne vends pas les plantes, ce n’est pas grave, je les garde et je les entretiens jusqu’à ce qu’elles trouvent un foyer. » La SPV vient apporter une solution au maillon manquant de l’industrie de la plante. « Au lieu de brader leurs plantes pendant une semaine, je propose aux jardineries de me revendre leurs invendus et d’être partenaire de l’action. Comme ça, je peux les soigner et assurer leur pérennité ».

La SPV souhaite associer les communes à son combat

Introduire davantage de nature en ville permet d’apporter une réponse concrète aux défis climatiques. Tandis que les villes concentrent 70% des gaz à effet de serre, selon un rapport du WWF, leur urbanisation augmente la formation des îlots de chaleur urbains. Ainsi dans une ville comme Lyon, la température est rehaussée de 5°C par rapport aux communes en périphérie. Pour Nicolas, c’est une question de bon sens : il faut travailler collectivement avec les communes. _« Les parterres de fleurs sont renouvelés trois fois par an à Lyon, c’est autant de fois des fleurs gaspillées », explique-t-il.

Sensible au combat porté par Nicolas Talliu, Rillieux-la-Pape est la première commune à avoir fait un pas vers la SPV. Mais toujours sans nouvelle de sa mairie d’arrondissement, Nicolas se demande si « le but du politique est de répondre aux besoins des citoyens ou de les ignorer ». Sollicitée par Politis, Fanny Dubot, maire EELV de Lyon 7, affirme pourtant « soutenir politiquement le projet ». « Être partenaire du projet est une très bonne idée, mais pour être honnête je n’avais pas pensé les choses dans ce sens-là. Je vais donc en discuter avec mes adjointes chargées de la nature en ville et des espaces vert s», explique-t-elle.

Installée sur la ZAC des Girondins, espace d’accueil temporaire pour des projets d’urbanisme transitoire, la SPV dispose de l’emplacement jusqu’à fin décembre. « J’aimerais pouvoir chercher un terrain pour l’année prochaine mais avec tout le travail que j’ai et sans aide, je ne peux pas. Il est possible que tout s’arrête du jour au lendemain », craint Nicolas. Sans réelle certitude sur la pérennité de son projet, une réponse pourrait être apportée lors de la consultation citoyenne organisée mi-mai sur la ZAC. « Les habitants voudront peut-être que cet espace soit, à terme, destiné à la SPV », suppose la maire de l’arrondissement. Dans le cas où les besoins des habitants de la ZAC seraient différents, elle n’exclut pas la possibilité d’une relocalisation dans le quartier. « La SPV pourra s’installer sur un autre terrain dédié à l’urbanisme transitoire, nous en disposons », affirme-t-elle. Une solution qui lui permettrait de s’agrandir et de prospérer.

Écologie
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