Le Printemps silencieux des oiseaux
Les naturalistes constatent la disparition des oiseaux mais ne savent pas quoi faire alors que cette catastrophe n’est pas nouvelle.
Le livre qui portait ce titre a été publié en France chez l’éditeur Plon, après son succès aux États –Unis, au début des années 60. L’auteure américaine du Printemps silencieux s’était d’abord fait connaître dans son pays où le pamphlet connut un chiffre de ventes inespéré. La scientifique Rachel Carson dont l’ouvrage fut d’abord publié en feuilleton dans le magazine New Yorker avait tout annoncé.
Elle écrivait dans le chapitre « Elixir de mort » : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’homme vit au contact de produits toxiques, depuis sa conception jusqu’à sa mort. Au cours de leurs vingt ans d’existence, les pesticides synthétiques ont été si généreusement répandus dans les règnes animal et végétal qu’il s’en trouve virtuellement partout. On en découvre dans le corps des poissons, des oiseaux, des reptiles, des oiseaux, des animaux sauvages et domestiques. Ces produits existent maintenant dans le corps de la majorité des gens quel que soit leur âge. »
Un silence inquiétant
Elle expliquait également dans un autre chapitre que « dans bien des villages d’Amérique, où les oiseaux migrateurs venaient annoncer l’arrivée du printemps, où chaque lever de soleil s’accompagnait d’aimables gazouillis, la nature conserve maintenant un silence inquiétant. Quelque chose s’est glissé parmi nous qui a fait taire des oiseaux et nous a privé de la beauté, de la vie que les petites ailes légères donnait à notre monde. Cela s’est fait si discrètement que personne ne s’en est aperçu ».
Soixante ans plus tard, le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office français de la biodiversité et la Ligue pour la protection des oiseaux nous informent dans une brochure qui résume 30 ans de programmes participatifs de suivi des oiseaux communs que la France a perdu en moyenne 30 % de ses oiseaux depuis 30 ans. Le responsable des oiseaux au Muséum national d’histoire naturelle, le professeur Frédéric Jiquet écrit en introduction à cette étude comme en écho à ce que disait Rachel Carson :
Nous éprouvons un immense sentiment d’impuissance, d’inefficacité, et de n’avoir pas pu aider au grand changement qui pourrait préserver la biodiversité. C’est un vrai constat d’échec de continuer à communiquer sur le déclin des moineaux, des linottes ou des hirondelles.
Les chiffres publiés illustrent le désespoir des naturalistes et montrent à quel point l’avertissement de l’ auteure américaine était prémonitoire. Sur les 123 espèces les plus courantes dans les campagnes et les villes françaises 43 sont en déclin. Qu’il s’agisse de la tourterelle, du chardonneret, du moineau, de l’alouette ou des différents espèces de mésanges, les chutes de population sont impressionnantes et sur un déclin qui approche de l’extinction. D’autant plus que les raisons sont multiples et s’ajoutent. Qu’il s’agisse des champs agricoles, des forêts ou dans les villes. Évidemment, leurs constatations rejoignent celle de Rachel Carson : les pesticides jouent d’autant plus un rôle important que les quantités déversées dans les espaces cultivées ne faiblissent pas depuis une cinquantaine d’années.
Il est donc utile et urgent de relire le Printemps silencieux pour comprendre à quel point nous ne respectons plus la nature dont la scientifique expliquait alors que « vouloir corriger la nature est une arrogante prétention née de nos insuffisances ». Elle ne fut pas écouté et c’est pour cela que dans mon jardin, depuis des années, je ne vois plus de troglodyte mignon, de chardonneret, de mésange à longue queue, de grimpereau et autres pipits…
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