Obsolescence programmée et écarts de langage
L’introduction dans la loi et la pénalisation de la notion d’obsolescence programmée – ces pratiques visant à limiter la durée de vie de certains produits de grande consommation ou à empêcher leur réparation que dénoncent les associations de consommateurs depuis fort longtemps – fait son petit bonhomme de chemin. Ces pratiques étant courantes dans les secteurs de la téléphonie, de l’informatique et de l’électroménager c’est l’argument de la surproduction de déchets qui a fait mouche et c’est dans le projet de loi sur la transition énergétique que devrait figurer ce nouveau délit.
Lors de la première lecture à l’Assemblée en octobre 2014, un amendement défendu par Cécile Duflot proposant d’assimiler l’obsolescence programmée à une pratique commerciale trompeuse passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, a été adopté, ainsi qu’un autre en donnant la définition suivante :
« L’obsolescence programmée désigne l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement. Ces techniques peuvent inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer, en raison du caractère indémontable de l’appareil ou de l’absence de pièces détachées essentielles au fonctionnement de ce dernier, ou d’une non compatibilité. »
En février, le Sénat a fait disparaître la disposition concernant les pratiques commerciales trompeuses, jugée trop floue et risquée pour les entreprises, mais conservé une définition revue à la baisse et les mêmes sanctions : « L’obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ».
Le projet de loi étant soumis à une procédure accélérée, il n’y aura pas de seconde lecture et c’est une commission mixte paritaire qui doit trancher les différents entre les deux chambres. Celle-ci a échoué et c’est une commission spéciale de l’Assemblée qui s’est chargée de revoir la copie du Sénat. La définition d’origine a été réintégrée, assortie des sanctions prévues auxquelles ont été ajouté un alinéa : « Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la mise en œuvre de ces techniques, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » Cette dernière mesure ne fait pas l’unanimité et on peut faire confiance au lobby des fabricants pour tenter de convaincre les députés de la faire sauter lors de l’ultime lecture qui doit commencer le 19 mai.
Dans un tout autre registre, une seconde actualité mérite quelques mots. Lors de son passage sur Canal Plus, François Hollande s’est fait remarquer par quelques écarts de langage. Le premier c’est la comparaison entre les mots de Marine Le Pen et un tract du PC des années 70 qui a été commentée dans toute la presse. Le second , c’est l’usage tout à fait inapproprié du terme « terroriste ». Evoquant le naufrage des 700 migrants et les passeurs il a tenu les propos suivants : « ceux qui mettent des gens sur des bateaux, ce sont des trafiquants, ce sont même des terroristes… ». Nous savons tous depuis notre plus tendre enfance qu’il ne faut pas abusivement crier au loup, faute de se retrouver seul le jour où il attaquera. Il est donc conseillé de choisir ses termes et de parler, comme Matteo Renzi, de «racket de la mort », d’ « esclavagistes » et de « trafic d’êtres humains ».
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