Jamel et nous…
Jamel Debbouze est un homme
de gauche et un lecteur attentif
de « Politis ». Il a joué pour nous le jeu du rédacteur en chef invité, et nous livre ici ses réflexions sur les médias et l’actualité – ainsi que quelques vannes !
dans l’hebdo N° 936 Acheter ce numéro
Nous étions au fond du puits quand un soir, tard, une voix féminine nous a apporté un peu de réconfort : « Jamel aime beaucoup Politis *, il ne veut pas que ce journal disparaisse et voudrait savoir comment vous aider. »* Promesse d’un prochain rendez-vous. Puis plus rien. Un mois, deux mois. Entretemps, 6 641 souscripteurs sont passés par là, glissant dans la besace de Politis le million d’euros dont notre journal avait besoin. L’oiseau, lui, migrait du côté de l’Afrique pour y présenter son film événement, Indigènes. Ah ! ces gens du showbiz, des coups de coeur et puis plus rien ! Le cliché était tout prêt à servir. Eh bien, pas du tout. Jamel Debbouze est un homme de parole. Un lecteur attentif de notre journal. Et, au-delà de l’intérêt qu’il porte à Politis , un citoyen conscient de ses responsabilités, du poids de ses mots et, par-dessus tout, de la force de cette arme qu’il porte toujours sur lui, chargée à balle réelle : l’humour.
Nous avons donc fini par nous rencontrer. Avec pour seule règle : réagir à l’actualité. Nous avons étalé sur une table basse, dans son bureau, tous les titres du jour de la presse parisienne. Le baby-boom (cherchez pas, il n’en dit mot), l’Iran et le Proche-Orient, les banlieues, Ségolène, Sarkozy… Puis nous avons déroulé le sommaire du Politis à paraître, celui-ci. Libéralisme et antilibéralisme. Forum social, Afrique, Écologie, Nicolas Hulot, Clonage… Jamel s’est livré au jeu du rédacteur en chef d’un jour. Vous retrouverez quelques-uns de ses commentaires tout au long de ce journal. Un cocktail de moments graves et de réflexions personnelles, et de « vannes », comme il dit, quand il ne sait pas, ou quand il ne veut pas. Car, il faut le dire, tout au long de l’entretien qu’il nous a accordé dans ses murs, sous un portrait géant de Mohamed Ali terrassant Sony Liston, Jamel nous a fait rire. Par les mots. Par le mime des situations (pardon, lecteurs, on n’a gardé que les mots, et encore, pas tous) [^2] Ce pourrait être simplement la tragédie de l’amuseur, cette obligation de faire rire. Mais les « vannes » tombent si naturellement, et en situation, qu’elles sont comme une deuxième respiration. Elles n’effacent pas le sérieux du propos, les confidences sur la crise identitaire, le rapport à la religion. Elles les rehaussent, comme un ingrédient. Quand il nous dit qu’il lit les faits divers dans le Parisien « pour avoir des nouvelles des potes » , on rigole. Mais ce n’est pas tout à fait gratuit. Car Jamel, le gars de Trappes qui est passé directement « du RMI à l’ISF », a un pied dans chaque monde. Celui du showbiz et celui des « potes », qu’il n’oublie pas. C’est aussi un grand frère, chercheur de jeunes talents venus de l’autre côté du périph. Bref, nous qui ne sommes pas trop « pipole », nous avons aimé cette rencontre, parce qu’elle avait pour nous un sens. Parce que nous avons vu que l’intérêt pour notre journal n’était pas feint. Des journaux, plein de journaux accompagnent l’ordinaire de Jamel « toujours un peu coco dans l’âme » .
[^2]: Retrouvez des extraits sonores de l’entretien et des photos sur www.pour-politis.org