Pollutions au saumon
dans l’hebdo N° 936 Acheter ce numéro
Il y a trois ans, des scientifiques démontraient que la pollution insolite de certains lacs d’Alaska n’était pas due à des transports atmosphériques… mais aux migrations de saumons. Pendant la croissance, ils concentrent dans leur graisse des polluants accumulés le long de la chaîne alimentaire, et notamment des PCB, molécules très difficilement dégradables. Remontant les cours d’eau pour y pondre, ils meurent ensuite dans les lacs. Et la décomposition de leurs cadavres pollue les sédiments au point que ceux-ci sont sept fois plus chargés en PCB que dans les lacs aléoutiens non fréquentés par les saumons.
La pollution « au saumon » connaît désormais une variante encore plus inquiétante : près de 800 000 poissons d’élevage s’échappent chaque année du millier de fermes marines norvégiennes, premier producteur au monde. Trous dans les cages, laxisme dans la surveillance et l’entretien : les fuites ont grimpé de 10 % par rapport à l’an dernier.Les spécialistes parlent de catastrophe. Non pas économique, mais écologique : les fugitifs, fréquemment parasités, transmettent des maladies (principalement le pou du saumon) qui ravagent les populations sauvages dans les fjords et les rivières, où les saumons, affaiblis par la remontée du courant, ne résistent pas à la contamination. Plus largement, les écologues craignent que cette invasion de saumons infestés ne perturbe l’équilibre d’écosystèmes.
Plusieurs parades sont à l’étude, dont aucune ne rassure : l’augmentation des doses pharmaceutiques et chimiques pour éradiquer les parasites des fermes piscicoles, le renforcement des cages, etc.
Cette crise préfigure bien des risques écologiques, encore négligés, d’un développement anarchique d’élevages de poissons destinés à compenser la dégradation des ressources halieutiques, sous la pression de la surpêche. Même le directeur de la pêche norvégien en a conscience, qui parle de « défi écologique le plus important pour le pays » .