Comment ils ont remis Bové en selle

Grâce à deux militants, Rémy Jean et Yannis Youlountas, initiateurs de l’appel « Unis avec Bové », la dynamique unitaire est sortie de l’impasse. Récit.

Clotilde Monteiro  • 1 février 2007 abonné·es

L’étape a été franchie haut la main . Rémy Jean (LCR, Bouches-du-Rhône) et Yannis Youlountas (Réseau des électrons libres, Tarn) [^2], les principaux initiateurs de l’audacieux appel Unis avec Bové [], lancé sur Internet le 6 janvier, peuvent d’ores et déjà s’en féliciter. Le succès de leur pétition (30 000 signatures en trois semaines) a permis, comme ils l’escomptaient, de remettre en selle le syndicaliste paysan pour la présidentielle. Qui sont ces deux militants qui se sont permis de contourner les organisations politiques et le collectif national pour sortir la dynamique unitaire de l’impasse ? Leur réussite, qui n’est pas un hasard, tient, selon eux, « à une convergence d’appréciations de la situation et à la mise en commun de [leurs] expériences et de [leurs] réseaux respectifs ».

Rémy Jean, 54 ans, encarté à la LCR depuis 1968, milite depuis mai dernier dans le courant unitaire de la Ligue aux côtés de Christian Piquet. Bien que militant historique de l’organisation trotskiste et membre de la direction nationale pendant une quinzaine d’années, Rémy Jean est dès le départ convaincu par la candidature de José Bové. « Elle est idéale, dit-il, pour rassembler au-delà des collectifs et des organisations politiques. » Déçu de constater que « la direction de la LCR n’a pas vraiment recherché un accord avec les autres forces au cours de ces derniers mois », Rémy Jean envisage un autre mode d’action citoyen. Pour faire avancer la dynamique unitaire, il lance après le retrait, le 24 novembre, de José Bové, l’Appel pour un sursaut unitaire, destiné à mettre en garde toutes les composantes du mouvement sur les risques d’éclatement du rassemblement. Cette pétition, qui recueille 4 000 signatures en quatre jours, ne sera pas signée par le PCF.

Yannis Youlountas, 36 ans, philosophe et écrivain, est de son côté persuadé que seule une votation citoyenne permettant de dépasser le cercle des collectifs et des organisations politiques pourrait favoriser le retour de José Bové. Ce militant écololibertaire et altermondialiste qui n’était qu’un compagnon de route des collectifs unitaires crée un « réseau d’électrons libres » et lance dans la foulée, dès le 25 novembre, une première pétition pour une candidature de José Bové, qui rencontre le soutien de six cents signataires. « J’étais convaincu que le seul moyen d’aboutir à l’appel du 6 janvier était de s’appuyer sur les réseaux, confie-t-il, le but de la manoeuvre étant de pouvoir lutter de façon équitable contre des partis qui privilégient l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général. »

La Toile sera le point de rencontre de ces deux militants. Sans se connaître, ils se lisent sur les sites, les listes de diffusion et les blogs militants [[ , <www.grainvert.com>, <josebove2007.free.fr>, <calle-luna.org>] et finissent par se rencontrer le 10 décembre, sur l’île des Vannes, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Forts de leurs expériences, ces deux pro-Bové mutualisent leurs savoir-faire et s’appuient sur leurs réseaux pour construire l’appel Unis avec Bové. Un collectif de trente coordinateurs se met en place pendant les fêtes pour élaborer l’appel du 6 janvier, qui sera essentiellement rédigé par Rémy Jean. Ce noyau dur citoyenniste, « de sensibilité libertaire avant tout » , précise Yannis Youlountas, est en effet majoritairement constitué d’électrons libres. Le collectif, qui fonctionne en autogestion, totalise aujourd’hui une quarantaine de personnes. Mais la réussite de cette initiative n’aurait pu être entière sans le concours précieux du communiste Jacques Perreux. Le conseiller général du Val-de-Marne est le troisième acteur majeur de cette entreprise. Les initiateurs de l’appel lui reconnaissent le mérite d’avoir, par son soutien, donné la possibilité à de nombreux communistes unitaires, à l’instar de Patrick Braouezec, de se sentir autorisés à entrer dans la danse.

Grâce à l’appel porté par Rémy Jean et Yannis Youlountas, José Bové est maintenant paré pour partir en campagne. À charge pour lui de faire preuve de dextérité pour rallier à lui les organisations politiques et les membres du collectif national originellement présents dans la dynamique unitaire.

[^2]: La liste de diffusion des partisans de José Bové compte plus de 25 000 électrons libres, selon son animateur, Yannis Youlountas.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

Congrès PS : sauver ou dégager Olivier Faure ? Les socialistes à fond les manœuvres
Politique 22 novembre 2024 abonné·es

Congrès PS : sauver ou dégager Olivier Faure ? Les socialistes à fond les manœuvres

Les opposants au premier secrétaire du parti tentent de rassembler tous les sociaux-démocrates pour tenter de renverser Olivier Faure. Mais le patron des roses n’a pas dit son dernier mot. Au cœur des débats, le rapport aux insoumis. Une nouvelle fois.
Par Lucas Sarafian
2026 : un scrutin crucial pour les quartiers populaires
Quartiers 20 novembre 2024 abonné·es

2026 : un scrutin crucial pour les quartiers populaires

Assurés d’être centraux dans le logiciel insoumis, tout en assumant leur autonomie, de nombreux militant·es estiment que 2026 sera leur élection.
Par Hugo Boursier
« Les municipales sont vitales pour que La France insoumise perdure »
Élections municipales 20 novembre 2024 abonné·es

« Les municipales sont vitales pour que La France insoumise perdure »

L’historien Gilles Candar, spécialiste de la gauche et membre du conseil d’administration de la Fondation Jean-Jaurès, analyse l’institutionnalisation du mouvement mélenchoniste et expose le « dilemme » auquel seront confrontés ses membres aux élections de 2026 : l’union ou l’autonomie.
Par Lucas Sarafian
Municipales 2026 : LFI à la conquête des villes
Enquête 20 novembre 2024 abonné·es

Municipales 2026 : LFI à la conquête des villes

Le mouvement insoumis prépare son offensive pour remporter des mairies aux prochaines municipales. Des élections qui engagent un bras-de-fer avec les socialistes et légitimeraient la stratégie de Jean-Luc Mélenchon sur l’abstentionnisme et les quartiers populaires.
Par Lucas Sarafian