Le bilan de Nairobi
dans l’hebdo N° 938 Acheter ce numéro
Le Forum social mondial de Nairobi (20-25 janvier) laisse un bilan contrasté. Si l’on se réfère aux attentes qu’il a suscitées, il a rempli son contrat. Avec 60 000 inscrits et des participants venus de tout le continent, la démonstration est faite qu’il existe une société civile africaine en pleine ébullition, même si elle manque souvent de visibilité. Il est désormais prioritaire de renforcer ces mouvements et de leur donner les moyens de se structurer par-delà les délimitations ethniques et les frontières nationales.
Le FSM a pourtant soulevé des critiques, parfois injustement acerbes, mais dont le fondement mérite d’être débattu. Ainsi, la collégialité du groupe de préparation a été insuffisante, les mouvements de base en ont été écartés. Ensuite, les organisateurs kényans ont couru après l’argent (l’ardoise est d’un demi-million d’euros), et cette préoccupation a orienté certains choix. Comme le recours à des entreprises peu « alter » et un tarif d’entrée qui excluait d’office les plus pauvres. Ce qui pose plus largement la question de l’ouverture du FSM. Ses participants sont majoritairement des relais d’opinion, et il peine à inclure les plus défavorisés. À Mumbai, en 2004, on y était mieux parvenu. Encore s’agissait-il de « pauvres organisés ». En décrétant finalement la gratuité, les organisateurs du FSM de Nairobi ont largement ouvert le forum. Mais l’impréparation a généré une recrudescence des vols et une présence policière pesante. Loin d’un certain romantisme, l’ouverture du forum dans un pays pauvre implique l’organisation de la sécurité de ses altermondialistes « aisés ».
Le Conseil international du FSM, laissé dans une certaine opacité (mais aussi coupable d’un manque de réactivité), s’est promis de préciser des règles d’organisation. Il existe cependant une vertu aux « erreurs » des organisateurs kényans : ils ont démontré qu’ils pouvaient se passer de tuteurs occidentaux pour organiser le plus important rassemblement de la société civile en Afrique depuis les indépendances. Un bénéfice sur un continent où la quête de l’autonomie est obsessionnelle.