Tinariwen, armes déposées
dans l’hebdo N° 939 Acheter ce numéro
Il y a une légende écrite sur le sable du désert du Nord malien. Une légende qui tient en une image : celle d’un des musiciens de Tinariwen, qui, lors des émeutes de 1990 contre l’État malien, allait au combat avec une kalachnikov et une guitare électrique.
Comme souvent avec les légendes, il importe moins de savoir si elle est exacte ou si ce qu’elle dit est juste. Les membres de Tinariwen appartiennent à la génération qui s’est levée contre les États malien et nigérien pour la défense des droits du peuple touareg, après avoir connu l’exil en Algérie et en Libye, imposé par les conditions économiques et la dictature instaurée entre 1968 et 1991. Leur particularité est d’avoir combattu avec les armes, la musique et les mots. Aujourd’hui, les kalachnikovs se sont tues, la puissance des guitares s’est accrue, le message est audible dans le monde entier, mais il n’a pas changé.
Sur fond d’électricité sèche et nue, les chansons d’ Aman Iman , qui envoûtent autant qu’elles poussent à danser, évoquent, pour la plupart, des moments de l’histoire des Touareg des quarante dernières années. Depuis la rébellion fondatrice de 1963 (« L’année 1963 a eu lieu, elle se répétera/Ses jours ont laissé des traces […]. L’Amérique et le Liban sont témoins/La Russie fournissait le « feu enflammé » ») , jusqu’au milieu des années 1990, moment de désunion dans la communauté touareg (« Un peuple divisé se perd en chemin/Chacun de ses membres devient un ennemi pour lui-même ») , en passant par les années d’exil (« J’ai passé une journée et la nuit suivante/J’ai passé une saison en marche ») . Tout cela chanté en tamasheq, la langue des Touaregs, que les morceaux sont aussi là pour défendre. Une langue dont on ne s’étonnera guère qu’elle possède un mot qui signifie à la fois solitude et nostalgie, et traduit un sentiment particulier lié aux vastes étendues inhabitées. Ce mot est « assouf » . C’est le titre d’une des chansons. Ç’aurait pu être celui de l’album.