Un débat vital
Une pétition défend « un commerce équitable partout ».
dans l’hebdo N° 939 Acheter ce numéro
Lancée en avril 2006, la pétition « Un commerce équitable partout » approche aujourd’hui des 3 000 signatures et accueille de nombreuses associations de commerce équitable (Andines, Cap équité, Artequal, etc.). Des organisations françaises et internationales lui ont aussi apporté un soutien, notamment le Mouvement pour le développement solidaire, la fédération Accueil paysan, Peuple et culture, les Amis de la Terre. Cependant, les politiques n’ont pas daigné s’intéresser à ce débat vital pour l’avenir du commerce équitable. Envoyée aux députés français et européens, la pétition a été accueillie par un mutisme qui en dit long sur les réticences de la classe politique à s’exprimer dans un débat où il est question de la mise en cause du libéralisme économique et de la grande distribution. Une seule réaction s’est exprimée, celle de Jacqueline Fraysse, députée communiste des Hauts-de-Seine.
Minga, Breizh Ha Reizh et la Confédération paysanne sont à l’origine de cette pétition, présentée quelques jours avant que soit rendu public un projet de décret créant une Commission nationale du commerce équitable, laquelle n’a pas vu le jour. Ces trois organisations dénoncent l’article 60 de la loi de Renaud Dutreil, ministre des PME, du Commerce et de l’Artisanat. Cette loi de 2005 indique que « le commerce équitable organise des échanges de biens et de service entre des pays développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement » . Elle vide le commerce équitable de son sens militant et en fait « un secteur à part, paternaliste, et qui une fois de plus privilégie les grandes entreprises de la distribution » , souligne la pétition. Les associations signataires s’opposent à un commerce équitable qui ne représente que l’infime part éthique (0,01 %) d’un commerce mondial globalement inéquitable. Elles réclament le droit de viser plus haut : un commerce qui serait équitable dans les relations Nord-Sud mais aussi Sud-Nord, Nord-Nord et Sud-Sud.
D’où vient l’absence d’engagement de la classe politique ? Sans doute du poids de la grande distribution dans le commerce mondial et du fait que la filière équitable soit divisée en deux camps. L’un regroupe les partisans d’un commerce adossé aux multinationales (Max Havelaar en tête) ; l’autre préfère une démarche de fond, qui sort de la marginalité, estime Hervé Le Gal, un des membres du réseau Breizh Ha Reizh. Selon lui, le rapport de force s’est inversé sur le terrain : « Aujourd’hui, de plus en plus de professionnels s’engagent dans une problématique de relocalisation de l’économie et manifestent un souci de certification équitable pour l’ensemble des acteurs de la chaîne. Les consommateurs sont en grande majorité favorables aux principes défendus par le texte. »
La fédération internationale d’agriculture biologique Nature et Progrès a d’ailleurs traduit ces préoccupations dans sa charte. De son côté, la fédération Artisans du monde a choisi de ne pas signer la pétition, de peur de « renoncer à la reconnaissance de cette dimension Nord-Sud et donc à une réglementation des pratiques actuelles, sans pour autant garantir l’élargissement du commerce équitable aux pratiques locales » . Et les élus de gauche ne semblent pas plus convaincus.