Doutes et clarification
dans l’hebdo N° 942 Acheter ce numéro
Combien avez-vous de parrainages ? Et si vous n’obtenez pas les 500 signatures ? Ces questions, les candidats que l’on dit « petits » doivent y répondre à chaque entretien. Le barrage n’est pas seulement institutionnel, il est aussi dans cette interrogation journalistique. Car, avant tout exposé programmatique, Olivier Besancenot ou José Bové doivent lever cette hypothèque qui, à force, pèse sur le moral de leurs troupes et handicape leur campagne.
Mercredi 28 février, le candidat de la LCR tenait un point de presse. Autant pour dire qu’il avait, à cette date, engrangé 452 parrainages d’élus que pour évoquer son programme. Ce second volet n’aura même pas été évoqué. Très prisée en revanche, la « guerre des parrainages » que se livreraient les partisans du facteur de Neuilly et ceux du paysan du Larzac dans leur quête des maires occupait les conversations. Les responsables de la Ligue, s’ils reconnaissent l’existence de quelques « coups de canif » attribués à des « électrons libres » , minimisent le phénomène. Ils admettent néanmoins avoir écrit à quelques élus qui envisagent de signer pour José Bové après s’être engagés à parrainer Olivier Besancenot, pour leur demander de « réserver [leur] signature jusqu’à la date du 11 mars » , jour où le syndicaliste paysan « doit prendre une décision de retrait ou de maintien de sa candidature » .
Évidemment, il n’en est rien. Depuis sa déclaration de candidature, le 1er février, José Bové assure qu’il ira « jusqu’au bout » . Il le redit encore dans un livre de circonstance qu’il publie ces jours-ci pour exposer sa démarche [^2]
. Alors pourquoi cette date ? Tout remonte à la rencontre nationale des collectifs de Montreuil, les 20 et 21 janvier. Les 300 collectifs représentés avaient finalement accepté de « proposer » la candidature de José Bové, sous conditions. Un nouveau rendez-vous avait en outre été annoncé « pour faire le point de l’action engagée, vérifier qu’elle suscite une dynamique populaire et décider des suites à lui donner » . Prévu « début mars » , il avait été fixé aux 10 et 11 mars, avant d’être repoussé au 17 et 18 mars, lors d’une réunion de la coordination nationale des collectifs, le week-end dernier.
Ce report, officiellement motivé par « des raisons d’ordre technique » et de délai, vise surtout à ne pas interférer dans la difficile recherche des signatures, qui sera close le 16 mars en début de semaine, José Bové en annonçait 400. Il a néanmoins suscité une petite polémique et donné un aperçu des doutes qui traversent le camp antilibéral.
Déplorant ce report qui vise à « faire de cette réunion une simple chambre d’enregistrement d’une décision prise ailleurs » , le Mars et la Gauche républicaine, observateurs au sein de la coordination nationale, ont décidé de la quitter. « Il n’y a plus aujourd’hui une coordination nationale qui peut parler au nom des collectifs. C’est de la fiction » , constate Éric Coquerel. Selon lui, un tiers font la campagne de Marie-George Buffet, un tiers celle de Bové, un tiers aucune. C’est le cas en Gironde, d’où est parti un ultime appel à « l’union des 3 B » , qui ne rencontre qu’un faible écho (<www.unisavecles3B.org>).
Même déception dans une contribution commune de Clémentine Autain, Claude Debons et Christian Picquet, qui notent que la candidature Bové n’a pas fait prévaloir « l’aspiration unitaire » face aux « directions du PCF et de la LCR » et est devenue « une candidature supplémentaire » mettant « l’accent davantage sur la promotion du candidat que sur l’impérieuse nécessité d’une candidature de convergence » . Surtout, écrivent-ils, « emportés par la concurrence qui les oppose, les candidats issus de la gauche antilibérale ne bénéficient d’aucune dynamique électorale » , ce qui place « la gauche tout entière […] à son niveau le plus bas… depuis 1969 » . Des communistes, pour leur camp, font le même constat. Dans une lettre ouverte à Marie-George Buffet, Denis Maciazek, un militant de Metz, rappelle ainsi cruellement que la dirigeante du PCF ne voulait « pas faire de [sa] candidature une candidature de témoignage » mais « partir à la bataille […] pour changer la donne à gauche » .
Afin de préserver l’existence autonome, la diversité, la capacité d’action du mouvement des collectifs, ces voix appellent les pro-Bové à effectuer « une clarification indispensable » entre les comités de campagne et les collectifs, dont l’objectif unitaire doit être préservé. Pour l’avenir.
[^2]: Candidat rebelle, José Bové, Hachette littératures, 182 p., 13 euros.