Eros Sana, la voix des oubliés

Le porte-parole de la campagne de José Bové, juriste, parle au nom des habitants de banlieue, dont il est issu.

Clotilde Monteiro  • 15 mars 2007 abonné·es

Illustration - Eros Sana, la voix des oubliés

Avec des mots simples, Eros Sana impose le silence : « J’interdis à la police de pénétrer dans les écoles car ce n’est pas son rôle » , « Nous sommes le peuple, et José Bové nous représente, voilà le message qu’il faut faire passer aux partis politiques. » Ces phrases furent toutes ponctuées de bruyants applaudissements, lors du meeting de José Bové, à Saint-Denis le 21 février. Porte-parole de campagne [^2]du candidat paysan, Eros Sana, qui s’autodéfinit comme « un pur produit de la banlieue », fait mouche à chacune de ses interventions sur les scènes de la campagne antilibérale.

Français d’origine congolaise, pas encore trentenaire, encarté chez les Verts depuis 2001, Eros Sana, harangue son auditoire sans notes ni discours tapé au préalable. Sa mission crève les yeux et les tympans. Il « part en live » pour faire entendre la parole de tous les oubliés des grands partis. Déterminé à mettre sur le tapis les questions de discrimination, de racisme, de laïcité, de sécurité et d’urbanisme au nom de tous ceux qui, comme lui, vivent dans ces banlieues bannies où le taux de chômage atteint des sommets. Eros Sana sait de quoi il parle avec son diplôme bac plus cinq de droit du commerce extérieur en poche, financé de haute lutte à coup de petits boulots. À partir de 2002, il se cogne au fameux plafond de verre. Difficile de briser la glace qui le sépare de l’univers feutré des cadres sup pour accéder à un emploi à la hauteur de ses compétences. « Les rares fois où un recruteur m’a convoqué pour un entretien, j’ai vu son visage se décomposer en découvrant qu’il avait devant lui un Noir ! […] De fait, j’ai dû apprendre à devenir polyvalent. » Il s’adapte face à l’adversité et apprend à contourner l’obstacle. Il se résignera à accepter des postes de responsable commercial « parce qu’il faut bien vivre ».

Il est, depuis 2005, l’attaché parlementaire de la sénatrice Verte de Paris, Alima Boumediene-Thiery et poursuit son activisme militant à Sarcelles et Garges-Lès-Gonesses, où il réside depuis sa petite enfance. Il se tourne vers José Bové en janvier 2007, avec ses amis de l’association gargeoise, Véto, créée en 2004, pour « instaurer un débat citoyen ascendant au coeur des quartiers » et « parce que le travail accompli depuis des années par toutes ces associations n’est pas pris en compte par les autres partis politiques mais juste instrumentalisé à des fins populistes ». Eros Sana juge coupable « l’attitude de cette gauche d’appareil et de gouvernement pour qui rien n’existe et ne doit exister en dehors du parti ». Pour lui, la candidature de José Bové est un pas en avant, « elle rétablit le chaînon qui permet de relier enfin les populations des quartiers à la lutte politique » , et, pour la première fois dans une présidentielle, « une figure militante de la société civile est soutenue par des élus et des politiques ». Bien qu’issu de l’immigration, Eros Sana n’a que faire du modèle universaliste abstrait cher aux républicanistes français et auquel doivent se conformer pour faire leur trou les jeunes comme lui. Ce militant infatigable qui est aussi un proféministe convaincu n’a pas de plan de carrière. Il préfère cultiver sa radicalité, car seul lui importe « l’intérêt général et plus particulièrement celui des populations des quartiers ».

[^2]: En tant que membre du Collectif banlieue immigration avec José Bové.

Politique
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