La répression par la peur
dans l’hebdo N° 945 Acheter ce numéro
Que s’est-il réellement passé à Oaxaca, fin novembre dernier, quand Mexico a décidé de mater dans la violence la rébellion pacifique locale ? À la suite d’une grève lancée en mai 2006 par un syndicat d’enseignants demandant la revalorisation de leurs salaires, cet État du Sud mexicain, dont 80 % des 3,5 millions d’habitants sont indigènes, a vu se lever un vaste mouvement de contestation dirigé contre le gouverneur Ulises Ruíz, corrompu et adepte de la répression. Émergence spontanée, l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (Appo), coalition de 340 organisations, comprenant 240 dirigeants indigènes issus des 570 municipalités d’Oaxaca, joue un rôle central. Elle occupe les bâtiments publics de la capitale, dont elle bloque le fonctionnement pendant des semaines, et met un million de personnes dans la rue contre l’injustice et la pauvreté ! La répression, notamment le 25 novembre, aurait fait 11 morts. Devant l’opacité des informations officielles et de nombreux points troubles, 41observateurs de la Commission civile internationale sur les droits humains (CCIODH), organisme indépendant né en 1998 à la suite de la tuerie d’Acteal dans l’État mexicain du Chiapas (45 morts), se sont rendus en décembre à Oaxaca pour une enquête : 420 entretiens auprès de toutes les parties, notamment avec des membres du gouvernement central. La CCIODH, dans son rapport livré fin mars, recense pour sa part 23 morts, et a acquis la quasi-certitude que plusieurs disparitions ont été organisées, « chiffres provisoires » car le silence règne. Des vagues d’arrestations, de déplacements et d’incarcérations ont été organisées, dans ce qui ressemble fort à une guerre psychologique pour « casser » la population. « On assiste au renouveau de méthodes de lutte contre l’insurrection fondées sur l’intimidation, dont le but est d’instaurer un contrôle dans les régions où la population montre des velléités d’organisation non liée à des partis politiques » , relève Hélène Roux, sociologue à l’université Paris-VII, et membre de cette mission.