L’injustice faite à Canelle
dans l’hebdo N° 941 Acheter ce numéro
Deux années d’instruction pour rien ! Le 19 janvier 2007, un non-lieu a été rendu à Pau dans l’instruction pour destruction d’espèce protégée à la suite de la mort de Cannelle, dernière ourse de souche pyrénéenne tuée par un chasseur en novembre 2004. Le message est clair.
D’abord, les chasseurs sont au-dessus des lois. Et, en cette période électorale, tout sera fait pour ménager leur vote. En France, cinq ours ont été réintroduits en 2006 sans qu’aucun des espaces qu’ils fréquentent n’ait fait l’objet d’une réglementation de la chasse. Pourtant, au début des années 1990, cette solution est apparue comme nécessaire pour accorder un refuge minimum aux ours devant les aménagements forestiers abusifs et les battues aux sangliers. Mais les lobbies de l’agriculture et de la chasse ont profité d’une alternance politique pour supprimer ces réserves et, depuis 1994, trois femelles, indispensables à la survie de l’espèce, ont été abattues par des chasseurs « en légitime défense », qui n’ont pas été inquiétés. Bizarrement, les milliers de randonneurs, cueilleurs de champignons et naturalistes qui parcourent régulièrement les sentiers pyrénéens ne sont pas, eux, mis en danger par la présence des ours…
Second enseignement de ce non-lieu : l’ours en France n’est décidément pas une espèce protégée. Cela n’augure rien de bon pour ceux qui ont récemment été lâchés. L’association Férus relève que, lorsqu’un chasseur tue un sanglier illégalement, il écope d’une forte amende ! Et, tous les ans, des dizaines d’accidents mortels sont causés par des sangliers aucun dû à l’ours jusqu’à présent. La légitime défense a bon dos.
Les chasseurs de la battue qui a conduit au drame avaient été prévenus que Cannelle et son petit se trouvaient dans le secteur. Celui qui a tiré dit d’ailleurs : « Les écologistes m’ont accusé de lui avoir tendu un traquenard. Ce n’est pas moi qui l’ai amenée à cet endroit car elle n’aurait jamais dû s’y trouver. Elle était là parce qu’elle a été dérangée […] *. Moi, j’ai abattu Cannelle, mais ce sont eux qui l’ont tuée. Les ours, il faut qu’on les laisse en paix [^2]. »* Discours fréquent en France, en matière d’environnement : s’il est mal protégé, c’est la faute aux écolos !
Soyons sérieux, il est grand temps d’améliorer la prise en compte de la nature et d’arrêter de saborder des politiques publiques payées par le contribuable. Malgré le Pacte écologique, les voix qui s’élèvent pour dire que l’on en fait trop continuent d’avoir l’oreille attentive des décideurs.
[^2]: La République des Pyrénées, 19 janvier 2007.