Big Pharma en campagne
dans l’hebdo N° 946 Acheter ce numéro
La santé doit être au coeur des débats électoraux : c’est Christian Lajoux, président du Leem (Les entreprises du médicament), qui l’affirme dans une lettre ouverte aux citoyens et aux décideurs politiques. À l’appui, un sondage : 87 % des Français veulent que la santé soit une priorité, et 59 % trouvent qu’on n’en parle pas assez dans cette campagne. On ne peut qu’être d’accord. Mais le Leem opère ensuite un curieux glissement sémantique vers « le médicament, une priorité politique » … Et de revendiquer une dépense de 2 % supérieure à l’augmentation du PIB.
Soyons sérieux. On a dépensé en France, premier consommateur mondial en volume, 31,3 milliards d’euros en 2005 pour le médicament. Pour quel bénéfice ? Les médicaments anticancéreux devraient voir leurs dépenses augmenter de 17 % à 18 % en 2007, mais les cancers continuent de progresser. Qui peut croire qu’ils vont arrêter l’épidémie ? Idem pour l’obésité. Cet argent serait plus utile pour l’environnement ou l’éducation. C’est un choix politique.
L’industrie pharmaceutique est en panne de vraie innovation. Sur 3 129 nouveaux médicaments mis sur le marché français entre 1992 et 2006, la revue Prescrire a donné, pour appréciations, 2 « bravo », 44 « intéressant » contre… 2 149 « n’apporte rien de nouveau » !
Marcia Angell, ancienne rédactrice en chef du prestigieux New England Journal of Medicine [^2], confirme : « Les grandes firmes promeuvent plus les maladies afin de vendre leurs molécules qu’elles n’en recherchent de nouvelles pour les traiter… La plupart des produits qu’elles commercialisent en cascade ne sont que des copies sans intérêt de vieilles molécules, habillées de brevets neufs et centrées sur des marchés intéressants. » Les dépenses de marketing du secteur sont ainsi deux fois plus élevées que celles de la recherche.
Novartis attaque d’ailleurs une loi indienne, parce que le gouvernement lui refuse un brevet pour une de ces fausses innovations [^3]. L’Inde, qui est devenue le principal pays producteur de médicaments à prix abordables. Mais les vraies maladies du Sud n’intéressent pas « Big Pharma » (1 % des médicaments).
Christian Lajoux voit l’industrie du médicament à l’aube d’une phase de mutation majeure. Effectivement, comment poursuivre un développement tout sauf durable, puisqu’il ne répond pas aux problèmes de santé actuels ?
[^2]: La Vérité sur les compagnies pharmaceutiques. Comment elles nous trompent et comment les contrecarrer, éditions le Mieux-Être, Montebello, 2005.