Courrier des lecteurs Politis 948
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Sur les dangers du THS
À la suite de la parution de la tribune de l’historien Jean-Paul Gaudillière, de la fondation Sciences citoyennes, intitulée « Traitements hormonaux : les féministes avaient raison », dans le n° 942 de Politis , nous avons reçu cette réaction.
Jean-Paul Gaudillière accrédite la thèse selon laquelle les médecins, mal guidés, mal informés, auraient utilisé abusivement les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause (THS), en faisant prendre des risques inconsidérés à leurs patientes. La sévérité et la gravité des attaques sont en contradiction avec les éléments peu probants qu’il produit pour les justifier ; ce dont il est d’ailleurs conscient (« il faut se garder de conclure […] » , « ces études doivent être confirmées […] » ).
L’auteur de la tribune évoque une dépêche américaine de 2006 qui annonçait la baisse des cancers du sein en 2003, juste après la baisse des traitements de la ménopause, et emboîte le pas de ceux qui reliaient les deux faits. Or, ce n’est qu’une hypothèse dont la base scientifique n’a pas été établie. Il se garde bien d’exposer les autres hypothèses (comme, par exemple, l’abandon éventuel de la surveillance et du dépistage chez les femmes qui ne prenaient plus le traitement…) et les mises en garde des spécialistes. Ainsi, l’International Menopause Society (IMS) recommande à la communauté médicale, aux médias et au public la plus grande prudence dans l’interprétation des nouvelles données sur la tendance de l’incidence du cancer du sein aux États-Unis, et dit que le THS doit continuer à être prescrit à chaque fois qu’il est indiqué.
Dans son rappel historique, Jean-Paul Gaudillière induit habilement une confusion entre la ménopause « normale » et les symptômes pathologiques de la ménopause. Ces symptômes invalidants [bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, etc.NDLR] ne sont jamais décrits dans les médias, mais ils perturbent gravement la vie professionnelle, sociale et affective des patientes. En 1930, les industriels de la pharmacie ne produisaient pas d’hormones « en quantité importante », comme il est dit dans l’article. L’un des premiers produits administrés aux femmes (en 1948 !) se présentait sous forme injectable ; il a été prescrit à peu de patientes (on l’a surtout réservé à des femmes « castrées » jeunes) et peu de temps. Les pionniers et fondateurs de la gynécologie médicale (Netter, Jayle, Béclère, Turpault, etc.), spécificité française, avaient choisi à cette époque d’exercer exclusivement cette discipline et d’effectuer les recherches pour la faire progresser, conscients des pathologies qu’ils pourraient traiter.
Alors qu’il fait référence aux études, Jean-Paul Gaudillière insiste sur les risques des traitements abordés dans deux d’entre elles, «qui ont mis le feu aux poudres ». Il évoque surtout la « WHI », publiée aux États-Unis en 2002, sans analyse ni interprétation. Quand on sait combien l’analyse critique des études est primordiale, la démonstration paraît bien légère pour justifier la condamnation de toute l’activité d’une profession et préconiser l’abandon d’une thérapeutique, seule réellement efficace, contrairement aux traitements alternatifs, qui ne sont pas anodins.
À titre d’exemple, je dirai que, dans l’étude américaine, les THS prescrits n’étaient pas ceux utilisés en France ; « les élites gynécologiques », en France, dénoncent depuis longtemps le fait que les traitements « américains » sont délétères sur le plan métabolique, comme en attestent de nombreuses études. J’ajouterai que la population traitée dans l’étude n’était pas superposable à celle que l’on traite en France : patientes plus âgées, en surpoids, voire obèses, etc. Aucun médecin français n’aurait prescrit de THS à de telles patientes à haut risque cardiovasculaire ! Enfin, l’auteur se garde bien de mettre en balance les cinq cancers du colon en moins (en risque absolu, pour 10 000 femmes traitées pendant un an) avec les huit cancers du sein (moins d’un pour 1 000 femmes par année) en plus, ni la diminution des fractures du fémur. En outre, les études récentes (« E3N » et « Mission ») innocentant les « traitements à la française » sont passées aux oubliettes. Elles montrent pourtant que la prescription d’un THS en France (avec des hormones « naturelles »), pendant six ans (recul actuel des études), juste après la ménopause, à des femmes sans facteurs de risque, aurait un potentiel négatif minime (sur le plan mammaire et métabolique). Ces études mettent en lumière le fait que les résultats peuvent être modulés en fonction de nombreux facteurs, dont le type d’hormone utilisé et les voies d’administration.
N’aurait-il pas, d’ailleurs, été plus important de se demander pourquoi, dans l’étude « WHI », on avait découvert 124 cas de cancers du sein dans le groupe des femmes non traitées (8 102 femmes), que de mettre en exergue la faible différence entre les deux groupes ? Les causes de ces cancers, vraisemblablement en grande partie hormonales, ne sont sûrement pas en rapport avec le THS (non prescrit) ; mais des pistes, comme l’âge plus avancé des femmes pour leur première grossesse, la diminution de l’allaitement maternel et, surtout, la pollution, notamment par les pesticides, qui se transforment en oestrogènes et sont absorbés dès la vie intra-utérine, mériteraient sans doute d’être exploitées.
La prise de décision thérapeutique se fait après une démarche complexe. Les données des études sont un élément essentiel, mais qui doit être complété par l’élaboration d’une balance personnalisée « risques/bénéfices ». L’accord de la patiente préside à la décision finale. Il s’agit là d’une médecine difficile, nécessitant des connaissances importantes, une expérience clinique sûre… Aussi, M. Gaudillière ne manifeste-t-il pas une vision très personnelle de la médecine quand il se réjouit « que les utilisatrices ont fait leur choix, dans l’intimité des cabinets de consultation… sous l’influence d’une presse féminine, qui a largement puisé dans les analyses du mouvement pour la santé des femmes » ? La substitution d’associations, relayées par la presse, aux médecins, pour analyser les études médicales et être le conseil principal des patients, lui semble souhaitable !
Le médecin, en particulier le gynécologue médical, ne doit-il pas rester le meilleur conseil, s’il n’est pas le seul ? Personne ne pourra le remplacer pour dire, au cas par cas, s’il est possible de prescrire un THS à une personne donnée, qui est unique.
C’est sous le seul coup de la panique, engendrée par le battage médiatique, que les patientes ont abandonné leur traitement. Est-ce un libre choix ? Les auteurs de la « WHI », après avoir refait leurs calculs, viennent de reconnaître qu’entre 50 et 60 ans il n’y aurait pas de majoration de risque sur le plan cardiovasculaire ! La dernière page sur le THS n’est pas encore écrite.
La gynécologie médicale continuera à progresser, au service de la santé des femmes, pourvu que les attaques dont elle fait l’objet, sans fondement scientifique solide, lui laissent continuer sa mission.
Catherine Perrier, gynécologue médicale
Lipietz et le «~non~» de gauche
Il est une chose que l’on doit reconnaître à Alain Lipietz, c’est sa constance dans le côté « le oui repasse en tête », pour reprendre un éditorial d’Olivier Cyran dans CQFD . Il le fait avec un talent indéniable, une force de persuasion redoutable et une sincérité que l’on ne peut remettre en cause. Il n’empêche que, notamment pour ceux qui fréquentent régulièrement l’abondante production de son blog, au demeurant extrêmement informatif et instructif, tout cela a un petit air de déjà vu.Outre la répétition des mêmes sophismes (les partisans du « non » de gauche nous clouent dans Maastricht-Nice, les mêmes ont la volonté d’en rester à des États nationaux, « donc » à une politique impuissante, « donc » au libéralisme), une faute de goût assez douteuse (« de Le Pen à Besancenot », pourquoi pas « de Sellières à Lipietz »), un acharnement assez désagréable contre le même article de Raoul Marc Jennar depuis neuf mois, comme si ce dernier n’avait rien écrit avant et plus rien depuis, une erreur minime concernant la taxe Tobin, dont je concède qu’elle n’invalide pas la force de la démonstration sous-jacente (s’il est vrai que les trois eurodéputés de LO ont voté en leur temps contre son principe, Alain Krivine et Roselyne Vachetta de la LCR se sont, eux, abstenus), l’utilisation de procédés de justification a posteriori (les Européens qui ont voté par référendum ont approuvé le TCE à 55 %) rappelant mutatis mutandis les méthodes d’une certaine Marie-George Buffet, je suis assez frappé qu’il ne se rende pas compte que sa méthode consistant à sortir de la crise par le haut consiste toujours à taper unilatéralement sur les partisans du « non » de gauche. Il y avait pourtant un moyen très simple pour les Verts de dépasser ce clivage : soutenir la candidature d’un partisan du « non » pro-européen, progressiste et écologiste… Suivez mon regard ! Mais, comme il le dit très bien, « l’histoire ne repasse pas les plats » .
Frédéric Supiot, Bruxelles
Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy
Non M. Sarkozy nous ne quitterons pas la France, ne vous en déplaise, ainsi qu’à MM. Le Pen et de Villiers. La France c’est nous, les citoyens, et aucun chef de parti n’y peut rien. Nos parents, nos grands-parents étaient des paysans, de simples travailleurs du secteur privé ou des services publics, des pères de famille, des militants de leur quartier, de leur paroisse, de leur village. Ils n’avaient ni château, ni villa à Neuilly, ni propriété féodale, mais ils croyaient à des valeurs universelles qu’ils nous ont léguées et que nous continuerons à défendre avec les jeunes d’aujourd’hui, quoi que vous en pensiez.
Ils nous ont appris à détester toutes les idéologies racistes, qu’elles soient vulgaires ou qu’elles « portent cravate » pour mieux nous tromper ; à lutter contre toutes les formes d’exploitation individuelles ou collectives, qu’elles soient brutales ou plus subtiles ; à ne respecter que les gens respectables par leurs actes, quelle que soit leur position sociale ; à donner aux mots « liberté, égalité, fraternité » leur plein sens et donc à refuser le racisme qui se prétend républicain ; et à considérer la solidarité comme un devoir et une richesse à défendre coûte que coûte, et non comme un délit. Nous n’avons pas oublié la contribution des troupes coloniales à la libération de la France pendant les deux guerres mondiales, les dizaines de milliers de tirailleurs sans papiers « morts pour la France », et l’injustice faite aux survivants et à leurs familles.
Nous n’avons pas oublié non plus la contribution active des travailleurs immigrés à la reconstruction de la France dans les deux après-guerres, dans les secteurs des mines, du bâtiment, de l’automobile, et les conditions de travail qu’ils ont endurées. Cette France multiculturelle que vous vilipendez lorsqu’elle habite les banlieues défavorisées, ces populations que vous vous évertuez, jour après jour, à stigmatiser en paroles et dans la loi, en amalgamant immigrés/délinquance/mafias, etc., ce sont nos voisins, nos collègues, ce sont nos parents au sens large, malgré toutes vos interdictions « d’aimer ailleurs ». Si cette France-là ne vous convient pas, la porte est ouverte, vous n’avez que l’embarras du choix pour émigrer vers les pays où le libéralisme économique est roi, où vous pourrez vivre et vieillir à loisir dans des résidences gardées par des vigiles et la vidéosurveillance, dans l’entre-soi de la bourgeoisie internationale, qui, cette fois, n’aura plus de couleur à vos yeux.
Marie-France Desbruyères, Paris