Illusions de campagne

Pierre Rabhi  • 12 avril 2007 abonné·es

Encore une fois, à l’occasion de cette campagne électorale, se dessinent les clivages et fragmentations révélateurs d’une société en mal de sens. Pire encore, d’un traquenard insidieusement installé et dans lequel chacun cherche des issues improbables. La civilisation de la technologie est face à une gigantesque déconvenue. Le progrès escompté au bénéfice du plus grand nombre n’est pas au rendez-vous, les disparités dans la répartition des ressources ne cessent de s’accroître, sur fond de menace de pénurie de toutes les ressources.

On continue à débattre de l’économie sans appliquer les règles de cette magnifique discipline, dont la finalité est de satisfaire les besoins élémentaires de chaque être humain, nourriture, vêtements, abri et soins. On appelle en réalité économie un système fondé sur l’avidité, l’insatiabilité humaine et le « toujours plus ». Cela justifie la fameuse croissance économique, invoquée comme la solution alors qu’elle est le problème. Si l’État et de nombreuses organisations cessaient leurs interventions « charitables », on mesurerait l’ampleur du désastre de cette logique du pompier pyromane : le modèle déglingue, les secouristes sociaux réparent. C’est devenu une norme, dédouanant la politique de son immense responsabilité.

Les solutions ? Elles sont incompatibles avec un paradigme aux fondements erronés, et quasiment toutes les propositions politiques se donnent comme objectif d’aménager le modèle et non d’en changer. La politique se condamne à l’acharnement thérapeutique sur une société en agonie, avec en perspective le déchaînement toujours plus violent de rivalités économiques, idéologiques, religieuses, etc.

Il en sera ainsi tant que l’argent aura le plein pouvoir sur le destin individuel et collectif, et tant que nous ne placerons pas résolument et honnêtement l’humain et la nature au coeur de nos préoccupations, et tous nos moyens et talents à leur service.

Quant à l’urgence écologique que Nicolas Hulot a proposée à la responsabilité des candidats, elle n’occupe guère sa place légitime, question comme toujours subsidiaire. Avec cette problématique, c’est sûr, nous n’avons pas affaire à une mode. La nature semble décidée à nous mettre des limites, voire à faire en sorte que nos projets politiques n’aient aucun lendemain. Ces considérations, somme toute banales, ne semblent pas avoir atteint le niveau de compréhension que nécessite leur rigueur, car, au-delà de la politique, elles interpellent notre conscience et notre coeur, et cette intelligence subtile qui n’est affaire ni de diplômes ni d’aptitudes, mais qui s’appelle lucidité.

Écologie
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