La course au centre

Pour espérer l’emporter, Ségolène Royal doit impérativement convaincre un nombre important d’électeurs de Bayrou de voter pour elle.

Michel Soudais  • 26 avril 2007 abonné·es

L’UDF est-elle l’avenir du PS ? Ou, si l’on tient à formuler la question différemment, la victoire du PS passe-t-elle par l’UDF ? Ces questions sont depuis dimanche soir dans toutes les têtes socialistes. Car, si Ségolène Royal a provoqué le soulagement de son camp en parvenant à se qualifier pour le second tour de la présidentielle, de l’aveu même des responsables socialistes, croisés rue de Solferino au soir du premier tour, le pari du retour de la gauche au pouvoir s’annonce difficile à gagner le 6 mai.

Illustration - La course au centre

François Bayrou, devant la chapelle Saint-Michel de Murato, en Corse, lors de sa campagne.
AFP/Mehdi Fedouach

En recueillant 25,87 % des voix, la candidate socialiste a conjuré le spectre d’un nouveau 21 avril, après l’élimination de Lionel Jospin en 2002, ce qui constitue déjà, selon Vincent Peillon, son porte-parole, « une grande victoire » , compte tenu de la menace que faisait peser sur elle le candidat centriste François Bayrou. Cette satisfaction affichée succède à une dramatisation orchestrée. Pendant que les dirigeants socialistes feignaient de croire que leur candidate n’était pas assurée de se qualifier pour le second tour, les fédérations très royalistes du Sud de la France s’activaient pour préparer sa venue, le 24 avril, au Zénith de Montpellier pour ce qui devait être le premier meeting de la campagne du second tour, invitant même par mail, trois jours avant le scrutin, leurs adhérents à réserver leur soirée.

La candidate s’était fixé de « faire le plus gros score possible » . Dans les dix derniers jours de la campagne, elle avait appelé les électeurs de gauche à « se rassembler dès le premier tour » derrière elle. C’est effectivement ce qui s’est produit, à travers la mobilisation des électeurs. « Le vote utile a joué à fond pour elle » , reconnaissent plusieurs cadres du parti. Sur les plateaux de télévision, plusieurs représentants de la candidate socialiste notaient fièrement qu’elle avait obtenu le meilleur score de la gauche depuis 1988. « Le même que François Mitterrand en 1981 » , précisaient-ils dans un sourire empli de ce sous-entendu : « Vous connaissez la suite… »

Comparaison n’est pas raison. En 1981, l’écart entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing n’était que de 2,4 points, quand le candidat de l’UMP est parvenu à creuser un trou de 5,3 points avec sa concurrente. Autre donnée sensiblement différente, le PCF recueillait encore 15,3 % des voix, ce qui assurait au futur président de la République des réserves de voix à gauche (entre 20,9 % et 24,8 % suivant que l’on prenait ou non en compte le score de l’écologiste Brice Lalonde) sans commune mesure avec celles dont dispose la présidente de la région Poitou-Charentes, après que l’appel au « vote utile » a asséché l’électorat de la gauche non socialiste.

Derrière l’optimisme de façade, les dirigeants socialistes reconnaissent tous que la victoire sera laborieuse. Lors du Conseil politique réuni rue de Solferino dimanche soir, « l’ambiance était studieuse. Mais ce n’était pas la joie : tout le monde sait que ce sera difficile » , a déclaré Benoît Hamon, membre de cette instance. Les as de la calculette faisaient et refaisaient les mêmes comptes : avec une gauche à 36 %, il faudra l’appoint d’électeurs de François Bayrou et de… Jean-Marie Le Pen. Entre 20 et 30 % de ces derniers se reportent traditionnellement sur le candidat de gauche au second tour. Mais les centristes ? Qui sont d’ailleurs ces électeurs ? Autant de questions qui embarrassent les socialistes.

Deux attitudes sont possibles. Ne s’adresser qu’aux électeurs, en refusant toute alliance, réputée inappropriée dans une élection présidentielle. François Hollande campait, dès dimanche, sur cette position. Pour le premier secrétaire du PS, une bonne partie des électeurs de François Bayrou sont des électeurs de gauche qui pensaient que le président de l’UDF constituait le meilleur barrage contre Nicolas Sarkozy. Il ne doute pas que ceux-ci se reporteront « naturellement » sur Ségolène Royal.

Engager le dialogue avec François Bayrou, pour obtenir de sa part sinon un soutien du moins une préférence. C’est finalement la solution retenue par Ségolène Royal, qui, lundi, à Valence, a décidé de lui proposer « un dialogue public sur la base du pacte présidentiel portant sur la rénovation de la République, l’État impartial, le refus des tensions, l’appel au peuple français pour la relance de l’Europe, les priorités éducative et écologique » . François Bayrou devait donner une conférence de presse mercredi.

La question d’un rapprochement PS-UDF n’est pas nouvelle. C’est parce qu’ils la craignaient que les fabiusiens et le NPS avaient fait préciser dans la synthèse adoptée au congrès du Mans que le PS n’envisageait d’alliance qu’à gauche. À une semaine du premier tour, cette perspective avait été spectaculairement défendue par Michel Rocard, puis Bernard Kouchner et Claude Allègre, qui avaient invité la candidate à rechercher une telle alliance pour faire face au danger que représente Nicolas Sarkozy. L’ancien Premier ministre a redit lundi qu’il préfère une « victoire un peu compromettante » à une « défaite honorable » . Dominique Strauss-Kahn, plus prudent, s’était contenté d’évoquer auparavant la possibilité qu’ « une majorité politique nouvelle » se crée à l’issue de l’élection présidentielle, dans un entretien au Monde , le 10 mars.

Au lendemain d’un week-end durant lequel les socialistes italiens et les démocrates-chrétiens de la Marguerite ont engagé la fusion de leurs deux formations le président du Conseil italien, Romano Prodi, a par avance béni une éventuelle alliance PS-UDF, estimant que « ce serait un élément de clarté et de mise en ordre dans le schéma politique français » . Si certains socialistes français sont prêts, à contre-coeur, à bouger l’axe du PS pour l’emporter, plus rares sont ceux qui envisagent de redéfinir le périmètre de la gauche, à l’italienne.

Politique
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