La main tendue à Bayrou

À Valence, le premier meeting de second tour a été marqué par l’offre de débat public faite par Ségolène Royal au leader de l’UDF.

Claude-Marie Vadrot  • 26 avril 2007 abonné·es

Décidé dimanche à minuit, dans l’urgence, le premier meeting de Ségolène Royal s’est déroulé lundi soir dans l’improvisation et une ambiance délirante. En quelques heures, la candidate a changé de statut : accueillie à la gare TGV de Valence par un groupe de militants enthousiastes n’arborant qu’un seul et minuscule drapeau tricolore, elle était protégée par un groupe de policiers en uniforme plus nombreux qu’à l’ordinaire, et elle est désormais sous la garde permanente et attentive de huit officiers de sécurité. Dans un parc des expositions où la température a dû frôler les 40°C, la ferveur des six mille militants entassés et debout n’a même pas été refroidie par l’annonce qu’elle était « disponible pour parler de l’avenir de la France avec ceux qui pendant toute cette campagne ont souhaité le changement et la rénovation politique » . Quelques minutes plus tôt, elle avait indiqué aux journalistes, au coeur d’une forêt de micros et dans une pagaille indescriptible, qu’elle avait téléphoné personnellement à François Bayrou pour le prévenir de son annonce. Tout en ajoutant : « Pour l’instant, ce n’est pas une alliance, mais une proposition de débat. » Àquelques mètres, semblant dépassé par le désordre et l’évolution de la situation, Julien Dray faisait patiemment de l’explication de texte auprès de la presse…

À l’entrée de la salle, où tout le monde n’a pu entrer, un couple s’engueulait. Manifestement, une dame avait entraîné quasiment de force son mari au meeting, lui reprochant vertement d’avoir voté Bayrou. Querelle si publique que la foule rigolarde s’en est mêlée et que l’homme, un peu penaud, a promis devant tout le monde qu’il allait voter Royal au deuxième tour, précisant qu’il avait cédé à un mouvement d’humeur. Sa femme ajouta pourtant à mi-voix : « Ouais, mais tu es surtout encore un peu macho. »

Le public, plutôt jeune, a interrompu des dizaines de fois la candidate, qui a fait son plus grand triomphe quand elle a expliqué qu’elle ne voulait pas de « l’Europe de Berlusconi, cette Europe libérale qui délocalise » , et quand elle a assuré que « rien ne sera plus jamais comme avant, car, ce soir, le candidat de l’UMP parle aux électeurs du Front national, alors que je m’adresse à tous les Français ». Visiblement, malgré la fatigue, Ségolène Royal s’éclatait, meilleure oratrice qu’à l’ordinaire malgré le vacarme d’une sono fatiguée et les hurlements d’une sirène d’incendie déclenchée par la température. Et sa voix a tremblé quand elle a conclu, quittant visiblement son texte : « La chaleur, la force que je sens ici vont nous emmener vers la victoire le 6 mai. »

Dans la salle et sur la place, rares étaient les militants ou les sympathisants habités par le doute : ils étaient venus écouter « leur présidente », même s’ils n’étaient pas tous convaincus il y a quelques jours encore ; comme cette jeune femme, une infirmière, qui avouait en se cramponnant à une barrière qui tanguait : « Quand je pense que je n’ai pas été voter, hier, quelle tâche je suis, mais quelle tâche ! » Comme si le résultat du premier tour avait balayé les dernières objections. Un jeune agriculteur bio expliquait : « J’ai voté José, mais maintenant, pas de problème, faut se farcir Sarkozy, faut l’écraser, on reprendra la discussion après. » Un vieil instit ­ c’est comme cela qu’il s’est qualifié ­ lui a répliqué : « D’accord, tu as raison, je quitte le PC, et on fera une opposition de gauche dans le PS. »

Derrière l’enthousiasme sincère, presque « religieux » par moments, chez les jeunes et les plus vieux de cette assistance au bord de la transe, l’idée dominait, clairement exprimée : « On élit Ségo et on réglera tous les comptes plus tard. » Comme la naissance, peut-être efficace, de ce sentiment que redoutent un peu le parti socialiste et une partie de l’entourage de Ségolène Royal : « Tout sauf Sarko. » Une sorte de front du refus bigarré, qui a paru émerger lundi soir du parc des expositions de Valence. En réponse à la demande de mobilisation « dans chaque quartier, dans chaque maison » , lancée par la candidate.

Politique
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