Retourner l’insulte en fierté
dans l’hebdo N° 949 Acheter ce numéro
« Non, nous n’avons pas de proxénètes. Non, nous n’avons pas été violées dans notre enfance, ni par la suite. Non, nous ne sommes pas toxicomanes. Non, nous n’avons jamais été forcées de nous prostituer. Non, nous n’avons pas d’angoisse post-traumatique. Non, nous ne sommes pas malheureuses.
Oui, nous avons une vie sentimentale. Oui, nous avons des amies et des amants. Oui, nous sommes engagées dans la lutte contre les discriminations. Oui, nous exerçons un métier stigmatisé. Oui, nous avons choisi ce métier. Oui, nous voulons les mêmes droits que tous les citoyens de ce pays. »
C’est par cet « avertissement » que commence un livre aussi original qu’important dans l’histoire des luttes contre les violences et les discriminations en France : Fières d’être putes . Motivés par le « refus de devoir continuer à porter les stigmates liés à la prostitution » , Thierry Schaffauser et Maîtresse Nikita, qui exercent ce métier, ont créé l’association Les Putes lors de la première Conférence européenne des travailleurs du sexe, à Bruxelles, en octobre 2005. Militants, au départ, d’Act Up-Paris, les deux sex workers , dans la lignée des mouvements homosexuel et féministe, revendiquent une prise de parole « minoritaire » , à la première personne, afin de « retourner l’insulte en fierté » . La Loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy, votée en 2003, qui pénalise le racolage, même « passif » (sic), marque véritablement le début de leur engagement. Ils observent, en effet, les conséquences « dramatiques » de cette loi en matière de santé ou de « conditions de travail ». Obligées à une clandestinité permanente, les prostituées ne peuvent plus faire appel, en cas de violences, à la police, « censée pourtant protéger l’ensemble des citoyens » , et se trouvent, de fait, encore plus sujettes aux agressions et aux appétits de « protecteurs ».
Ce petit livre demande aux principaux partis (en particulier de gauche) de cesser de reprendre les discours abolitionnistes ou prohibitionnistes qui, respectivement, souhaitent au mieux réinsérer, au pire réprimer, les prostitués : « Il est temps qu’ils nous écoutent car personne ne sait mieux que nous ce qui est bon pour nous » …