Courrier des lecteurs Politis 954
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L’écologie est avant tout politique
L’élection présidentielle s’est achevée le 6 mai avec un grand perdant, l’écologie. […] Prétendre qu’elle concerne tous les hommes et qu’elle se fonde sur un diagnostic commun, c’est irrémédiablement la botter en touche alors même qu’elle doit être au coeur des enjeux politiques. Lorsque nous revenons sur la campagne de l’élection présidentielle, nous remarquons que cet enjeu est devenu quasiment inaudible, alors même qu’il bénéficiait d’une aura médiatique sans précédent. Beaucoup de candidats avaient pourtant donné des pistes à suivre pour faire de l’enjeu écologique un défi prioritaire, mais cela a été peine perdue ; or, l’écologie n’est pas au-dessus des clivages politiques ni extérieure à eux, elle implique un courage sans précédent dans la modification des priorités des politiques publiques et un «~reformatage~» idéologique. De ce point de vue, il est vrai que les défis écologiques ne peuvent se limiter à la compétence de cercles privés, mais doivent être envisagés par le public. Si les grands textes internationaux insistent sur l’idée d’une participation du public aux questions environnementales, c’est parce que les politiques ne détiennent pas de réelles solutions sur ce sujet. En associant les citoyens à la définition des politiques publiques qu’ils jugent le plus aptes à respecter l’environnement, on les rend responsables de ces politiques et de leurs impacts. Des programmes politiques fondés sur l’écologie pourraient traiter de la nécessaire éducation à l’environnement, de la façon de créer une économie basée sur le développement des énergies renouvelables et de la question d’un gouvernement mondial de l’écologie capable d’édicter des normes universelles en la matière tout en prenant en compte la diversité des territoires. Ce gouvernement mondial pourrait harmoniser les législations maritimes, puisque le contrôle de la mer fait l’objet de litiges interétatiques au détriment de l’environnement, et prendre en charge des politiques de développement fondées sur les énergies renouvelables au lieu de les laisser à une prétendue gouvernance, c’est-à-dire aux directions d’entreprises qui défendent leurs intérêts en améliorant leur image grâce à la promotion du label environnemental.
La question d’une fiscalité écologique et celle de la sanction des comportements pollueurs sont autant de thèmes à imposer sur la scène publique. Cessons de faire de l’écologie une plainte universellement partagée et installons-la dans des antagonismes politiques réels, car elle détermine substantiellement des choix de société.
Christophe Premat, Bordeaux
Le vote des « vieux », vraiment ?
Je lis dans le courrier du n° 952, sous la plume de Jean-Louis Gueydon, que Sarko serait l’élu des « vieux ». Comme je réponds à la définition (plus de 70 ans), ça me chatouille, évidemment, puisque je me situe à l’extrême opposé ! Mais je n’aurais pas réagi si le fond de mon inquiétude n’était pas qu’en dépit de statistiques auxquelles on fait tout dire, la masse des jeunes ayant voté pour Sarkozy révèle un basculement de notre société dans cette anticulture à l’américaine dont notre nouveau chef d’État est le sinistre représentant.
Qu’une majorité de vieux vote pour lui, je m’en réjouirais volontiers puisqu’ils sont appelés à disparaître en priorité. Le drame, et je pèse mes mots, c’est qu’une part, inimaginable naguère, de cette jeunesse fasse sienne une telle idéologie de la puissance, du mauvais élitisme, du pouvoir de l’argent, de la gagne à tout prix, et vienne ainsi grossir le parti de ceux qui vont faire le monde de demain, à leur sauce.
Les vieux, dans leur majorité s’entend, n’ont rien à gagner d’un renversement de situation. Ils se mettent en roue libre, avec un parapluie, une ceinture et des bretelles. Ils jouent la montre, feignant parfois de s’inquiéter du sort de leur progéniture, mais pensent en réalité « après moi, le déluge ». La plupart des retraités ont même intégré le risque de voir leurs revenus mis en question et se sont rués sans tarder vers les fonds de pension et autres formes de capitalisation, y compris les FCP supposés « éthiques », rapidement cuisinés par le système bancaire, les c… !
Nous étions habitués à une droite de vieux. La trajectoire politique de nos congénères suit généralement la courbe de leur enrichissement, on l’avait compris. Le plus modeste pavillon de banlieue peut, s’il n’est pas loué à ses occupants, contenir deux voix pour l’UMP, quand ce n’est pas pire.
Mais les jeunes ? Ont-ils vieilli si vite qu’ils s’avouent incapables de relever ce défi humaniste et soient aussi dépourvus d’idéal fraternel ? Avons-nous bien observé (en particulier, et qu’on ne voie surtout pas là je ne sais quelle intention…) la proportion étonnante de ces jeunes issus, comme on dit, de l’immigration, qui, n’ayant eu ni le temps ni l’occasion de s’imprégner de l’Europe des Lumières, ont choisi le camp des vainqueurs, celui-là même qui « chartérise » et « karchérise » ? Nombre d’entre eux ont voté à gauche ? Soit ! Vous voulez dire pour le PS ? Ah bon, j’avais mal entendu !
J’ai arpenté pendant un an et plus les collectifs unitaires, ces rassemblements où l’on parlait d’antilibéralisme pour éviter le gros mot. Dans la dernière réunion départementale où je me sois égaré, en février dernier, j’ai essayé de compter, à vue, les moins de 30 ans. Ils n’étaient pas 10 %. Mais, me direz-vous : « Et les Jeunesses communistes, et les JCR ? » Aussi rafraîchissants soient-ils, c’est loin de faire le compte, cher Jean-Louis, pour un « soulèvement de la jeunesse » .
Je comprends qu’après ce qui nous est tombé dessus, tu cherches à nous rassurer, mais je crains bien que ça ne fasse un peu court.
Georges Pons (Gard)
Les néo-écologistes
Faut-il en rire ? Faut-il en pleurer ? Faut-il se réjouir ? Faut-il se désespérer ?
Après trente ans de combat pour l’écologie, les Verts sont enfin entendus ! Au cours de l’émission « Ripostes », Alain Juppé s’est déclaré « écologiste convaincu » : oui, il faut lutter contre l’effet de serre ; oui, les transports en sont la cause ; oui au ferroutage ; oui à la voiture électrique ; oui, il faut revoir la loi sur l’eau ; oui, le logement HQE est source d’emploi, et j’en passe. Il a dû voter Voynet ![…]
Ne faisons pas confiance à ces néo-écologistes de circonstance. […]
Signé : un vieux Vert qui n’a pas voté Sarkozy! (Tous les vieux n’ont pas voté Sarkozy, Jean-Louis Gueydon!)
Alain Brunel, Bégard (Côtes-d’Armor)
La lettre de Guy Môquet
Je vous fais parvenir mes impressions sur la demande faite aux enseignants de lire la lettre de Guy Môquet aux élèves. J’ai entendu des réactions peu argumentées sur les ondes. J’ai réfléchi à ce que j’aurais fait face aux élèves, étant moi-même enseignante retraitée. J’ai toujours enseigné dans le premier degré, je n’aurais donc sans doute pas été concernée. Mais, étant fille de résistant, je ne peux m’empêcher de réagir. […]
Le rôle d’un enseignant est-il de faire pleurer ses élèves, de les émouvoir ou bien de leur enseigner l’histoire, de leur apprendre à réfléchir à partir d’un savoir ? Pourquoi choisir de lire la lettre de Guy Môquet, qui ne dit rien de l’histoire ? Dans d’autres lettres écrites par de jeunes résistants, on trouve dans le corps du texte un point de départ pour analyser, expliquer, débattre. En voici une, de Pierre Grelot (un des cinq martyres du lycée Buffon) à sa mère, écrite en 1943. Pour méditer.
Claudine Vuillermet, Paris
« Maman chérie,
La censure allemande ne me permettant pas de mettre sur mes lettres tout ce que je désirerais te faire savoir, je te fais parvenir ce message que tu ne liras qu’après la Victoire. […]
Je voudrais maintenant te dire, maman chérie, ce qu’a été ma vie depuis le 30 juin. Je suis seul dans une cellule sans soleil, comme la plupart des autres camarades de souffrances et de combat, mourant de faim, sale, à peine à manger, pas de promenade, pas de lecture, souffrant de froid, et, depuis le 7juillet, je porte nuit et jour les menottes derrière le dos. Je serais un bien mauvais Français si je n’avais pu trouver le moyen de les ôter !
Le seul réconfort à tous ces supplices (j’oubliais les coups de nerfs de boeuf que j’ai reçus à la Gestapo), c’est la certitude de la victoire (car, bien qu’au secret, on réussit à avoir quelques nouvelles) et l’héroïsme des camarades qui partent à la mort en chantant. La France peut être fière d’avoir de tels enfants. J’espère que la patrie reconnaissante saura récompenser votre sacrifice, qui est celui de tant de familles, et qu’elle saura reconstruire tous les foyers détruits par la barbarie impérialiste.
J’ai été jugé avec mes camarades le 15 octobre. Cela n’a été qu’une comédie. Nous savions à l’avance quel serait le verdict puisque, pour rien, on condamne à mort. Mon acte d’accusation portait : « Propagande antifasciste et contre l’armée d’occupation, port et détention d’armes et de munitions, etc. » Une seule de toutes ces choses suffisait pour me faire condamner à mort, aussi il n’y avait pas de salut possible. Nous avons tous été condamnés à la peine de mort. Notre attitude devant le tribunal a été digne et noble. Nous avons su imposer le respect à ceux qui assistaient au procès. Les soldats étaient émus, et j’en ai vu un qui pleurait. Pense que nous avions de 17 à 20 ans. Quand, après l’arrêt, le président nous a demandé si nous voulions ajouter quelque chose à nos déclarations, nous avons tous dit notre fierté de mourir pour la patrie. J’ai moi-même répondu : « Je suis fier de mériter cette peine. » S’il leur restait encore quelques scrupules, ça les leur a enlevés. […]
Je t’embrasse une dernière fois de tout mon coeur, maman chérie. Je meurs en Français, le front haut, ton nom sur les lèvres, ta pensée dans mon coeur.Ton petit Pierre. »