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Une belle transposition sur les planches d’un roman de l’Algérien Arezki Mellal, où un homme attend la venue de tueurs islamistes.

Gilles Costaz  • 24 mai 2007 abonné·es

Arezki Mellal, pseudonyme derrière lequel se cache un auteur algérien qui, menacé, a pourtant choisi de demeurer dans son pays, est un nom désormais connu : ses livres connaissent un vrai retentissement. Romancier, Arezki Mellal a aussi écrit du théâtre. Aussi a-t-il été surpris quand le jeune metteur en scène Paul Desveaux lui a dit vouloir mettre en scène son roman Maintenant ils peuvent venir, et non l’une de ses pièces. Desveaux lui demandait même d’adapter son livre en conservant son caractère littéraire. Ce qui fut fait, et donne lieu à un spectacle créé au Théâtre des Deux-Rives (à Rouen), qui est joué en ce moment à Paris et partira bientôt, on l’espère, en tournée.

Le titre est explicite : ceux qui « peuvent venir » , ce sont les tueurs islamistes. Ils ont déjà commis des massacres dans l’entourage du narrateur, et vont peut-être s’en prendre à lui. L’ouvrage n’est pas seulement un texte aux résonances politiques autour du drame de l’Algérie face à la folie des fondamentalistes. Mellal conte surtout la destinée d’un homme qui lui ressemble et se débat dans une culture dont il ne supporte pas les aspects oppressants. Il voudrait aimer une femme qui ne lui est pas destinée. D’ailleurs, il ne s’en prive pas. Mais, si son corps vit une vie plutôt libre, sa tête reste prisonnière de la loi maternelle.

Sa mère veut qu’il épouse Yasmina, une femme qui, d’après lui, saura toujours le remettre en cage dans le statut de mari et de père auquel il tient si peu. Le narrateur est pris dans une série de cercles de pression, dont le dernier sera celui des terroristes islamistes.

Desveaux, auquel on doit des spectacles discrets et ambitieux, a composé lui-même un décor presque nu, où le réel et le mental peuvent se lire, s’imaginer et se superposer. Certaines scènes sont dialoguées, d’autres sont des confidences à voix haute. En réalité, tout passe par le cerveau du narrateur ; tout est autobiographie intime, faits réfractés et fantasmes. Pourtant ­ et c’est l’une des qualités de la mise en scène ­ rien n’a la distance de l’onirisme. Tout parvient dans une délicate aspérité.

Il faut dire que l’acteur principal, Fabrice Cals, est admirablement porteur de trouble, de douceur, de douleur et de sentiments en équilibre sur le fil d’émotions contradictoires. Il est entouré d’excellents partenaires. Sid Ahmed Agoumi, l’un des grands acteurs algériens exilés en France, s’amuse à composer un comique fonctionnaire jardinier. Les deux interprètes incarnant les deux femmes concurrentes, Anne Cressent et Hyam Zaytoun, échappent à tous les clichés. Gilbert Beugniot, enfin, campe un oncle d’une belle étrangeté.

Alors que tant d’adaptations s’en tiennent à figurer des livres ouverts en public, celle de Paul Desveaux s’empare avec la même force de l’écrit et du parlé. Et c’est d’autant plus touchant et violent que le ton est feutré, sans ce travers arrogant et donneur de leçons si cher aux Français.

Culture
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