Les Verts ont-ils un avenir ?
Les élections législatives ne devraient pas sortir les écologistes de l’ornière. Ils sont menacés de marginalisation, voire d’éclatement.
dans l’hebdo N° 951 Acheter ce numéro
Avec 1,57 % des voix pour Dominique Voynet à la présidentielle, l’écologie politique a connu son pire résultat depuis 1974. Passé les explications convenues (et légitimes) sur le laminage des petits partis au premier tour, le petit monde de l’écologie commence à s’interroger. Les Verts rêvaient de devenir le pivot de la refondation de la gauche avant la débâcle du PS en 2002. Ils n’ambitionnent plus guère aujourd’hui que de sauver le pôle de l’écologie, dont ils sont les principaux représentants depuis leur fondation en 1984. Après les législatives, ils auront à répondre à trois grandes questions :
À quoi servent les Verts ? La question est posée avec force depuis que Nicolas Hulot a fait irruption en politique, porté au pinacle dans les sondages pour son combat en faveur du climat. Or, entre « l’avant » et « l’après-Hulot », la cote électorale de Dominique Voynet, rivée entre 1 % et 2 %, n’a jamais bénéficié de l’émergence des thèmes environnementaux dans la campagne. L’épisode Hulot a montré le fossé entre l’attente des Français en matière d’environnement et sa conversion électorale en faveur des Verts.</>
Que faire de l’environnement ? Loin d’être paradoxale, la question occupe les Verts depuis plus de dix ans. Elle est devenue lancinante et n’obtient pas de réponse claire. Dominique Voynet, qui défend la vocation généraliste des Verts, a pris soin d’exposer d’abord ses mesures sociales lors du congrès du parti en décembre dernier, se différenciant de son ex-adversaire à la désignation, le député Yves Cochet, très axé sur la menace climatique et la crise pétrolière. Mais elle a ensuite nuancé ses priorités afin de profiter de l’appel d’air créé par Nicolas Hulot ce qui lui a valu les reproches de Noël Mamère. Politologue au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), Daniel Boy relève que 40 % des communiqués de presse des Verts, en 2006, traitaient d’environnement. « In fine, est-ce un sujet central chez les Verts ? »
Comment exister politiquement ? Un défi majeur dans l’existence des Verts : les législatives préciseront le tableau, mais comment le PS, dans la tourmente, pourrait leur garantir plus que leurs trois députés actuels ? Et le minipécule électoral des Verts ne pèsera pas lourd dans les négociations si le PS en veut… Trois hypothèses vont se présenter aux Verts.
La débandade : une recomposition sociale-démocrate autour du PS et du centre, à laquelle l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit appelle les Verts à participer, pourrait séduire une partie importante des sympathisants écologistes. « Les voix de Mamère à la présidentielle de 2002 se sont largement reportées sur Bayrou, cette fois-ci » , analyse Daniel Boy. C’est le cas à Paris et à Lyon. Autre pôle tenté par le schisme : les « bovétistes », proches des antilibéraux. Patrick Farbiaz, membre du collège exécutif, s’est suspendu lui-même ([^2]) pour faire la campagne du leader paysan, et s’interroge sur son avenir chez les Verts. « Le sort de cette petite aile dépendra cependant beaucoup de la recomposition à gauche du parti socialiste », poursuit Boy.
L’ouverture : les Verts, dont les sympathisants se recrutent principalement dans les classes moyennes urbaines, souhaitant la rencontre avec un public populaire, le premier touché par la crise écologique. Dominique Voynet a appelé à l’évolution vers un parti « populaire, ouvert et de masse » , et les Verts veulent lancer, en juin, des « assises régionalisées de l’écologie politique » avec de nombreux mouvements et associations. Une utopie ? Les timides tentatives passées ont rapidement avorté.
La refondation : l’idée d’une remise à plat du mouvement, bloqué par ses statuts complexes et rigides, gagne du terrain. Yves Cochet en fait un objectif prioritaire, prêt à un arc politique large, « de Bové à Hulot » . Tout comme Corinne Lepage, qui préside le Cap 21, signataire d’un appel « Pour refonder l’écologie politique » publié dès le lendemain du premier tour (^3). Il rallie déjà des personnalités vertes comme Maryse Arditi, et ses grands axes sont très inspirés du programme de Corinne Lepage : pragmatisme, éthique politique, construction d’une « éco-économie », VIe République, Europe.
[^2]: Une sanction identique a été imposée à Francine Bavay.