« Lever les sanctions »

Déléguée générale
de la Palestine en France, Hind Khoury souligne l’importance d’une « tonalité » française au Proche-Orient.

Denis Sieffert  • 31 mai 2007 abonné·es

Vous avez demandé à rencontrer le nouveau ministre français des Affaires étrangères. Qu’allez-vous lui dire ?

Hind Khoury : Je vais lui dire que la France doit continuer à faire entendre une voix originale au Proche-Orient. Nous avons besoin de la tonalité française. Nous avons besoin aussi que l’Union européenne fasse entendre sa voix. Notre gouvernement d’union nationale doit être reconnu, ce qui signifie que les sanctions financières qui frappent les Palestiniens depuis début 2006 doivent être levées. Il n’y a pas d’alternative à la reconnaissance du gouvernement d’union nationale, sauf le chaos. Il faut que la France et l’Union européenne fassent comprendre à Israël que ce serait l’intérêt de tout le monde de consolider le cessez-le-feu et d’arrêter les incursions militaires, les bombardements et les enlèvements de ministres palestiniens. Il faut que la situation des Palestiniens s’améliore dans la vie quotidienne, que les barrages à l’intérieur des territoires palestiniens soient levés. Et qu’il ne s’agisse pas seulement d’annonces. Bien souvent, Israël annonce la levée de barrages et rien ne se passe sur le terrain. Il faut un vrai cessez-le-feu à partir duquel on pourra aborder les questions de fond.

Les questions de fond, c’est le statut final des territoires palestiniens ?

Oui, et il n’y a pour cela qu’un seul plan sur la table, c’est le processus de paix arabe. C’est-à-dire la normalisation des relations de tous les pays arabes avec Israël en échange d’un retrait israélien des territoires occupés depuis 1967. On voit bien qu’il n’y a pas d’autre solution que ce processus. Car ou bien on s’engage dans une négociation pour le statut final, ou bien on favorise la violence des extrêmes. La solution doit aussi englober le sort des réfugiés. On voit bien ce que peuvent produire la grande misère des camps et son instrumentalisation au Liban, avec ce groupe mafieux qui, hélas, tente de détourner la cause palestinienne en empruntant le nom de Fatah, avec lequel évidemment il n’a rien à faire.

Si vous rencontrez prochainement Bernard Kouchner, ce sera dans un contexte d’anniversaire de la guerre des Six-Jours et du début de l’occupation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Qu’allez-vous lui dire à ce sujet ?

Il nous faut rappeler inlassablement que le coeur du problème, c’est la colonisation. Et pas seulement les extensions des colonies en tant que telles, mais tout ce qui va avec, comme les autoroutes et les infrastructures réservées aux Israéliens et interdites aux Palestiniens, qui créent sur notre propre sol une situation d’apartheid. Nous attendons que la voix de la France se fasse entendre pour dire que, chaque fois que la colonisation s’étend, comme le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, vient encore de le promettre, c’est le processus politique que l’on torpille, et ce sont les extrémistes que l’on encourage.

Allez-vous lui demander de reconnaître le Hamas, c’est-à-dire le résultat des élections de janvier 2006 ?

Lever les sanctions, c’est cela. C’est reconnaître le résultat d’une élection démocratique. Les sanctions ne frappent pas seulement le Hamas mais la population toute entière, et le Fatah lui-même, et Abou Mazen, que l’on tente de décrédibiliser. La France et l’Europe doivent aider les modérés, mais pas en refusant de reconnaître le résultat d’élections démocratiques. Ce n’est pas soutenir le Hamas, mais tout le gouvernement d’union nationale. Or celui-ci ne peut survivre que grâce au soutien financier. Chacun doit comprendre à quel point la situation est dramatique en Palestine. Dans un récent rapport, la Banque mondiale s’interrogeait sur la façon dont les Palestiniens peuvent tenir alors que beaucoup d’entre eux se situent en dessous du seuil de pauvreté.

Il y a depuis plusieurs semaines des affrontements entre factions du Fatah et du Hamas à Gaza. La position de la Déléguée générale de la Palestine en France doit être extraordinairement difficile dans ces conditions.

C’est évidemment très difficile d’accepter que des Palestiniens s’affrontent. C’est une raison de plus pour encourager et reconnaître le gouvernement d’union nationale issu de la réunion de La Mecque.

Que pensez-vous de ces roquettes Qassam qui sont tirées depuis Gaza sur la ville israélienne de Sdérot ?

Les Palestiniens ne peuvent avoir qu’une seule stratégie, celle de la négociation et du processus politique. Mais je voudrais dire tout de même que c’est une infime minorité de gens qui se mettent hors la loi en agissant ainsi. Or, c’est sur cette infime minorité que s’aligne Israël. Israël s’aligne sur la violence, et parfois la provoque par ses assassinats ciblés. Les actes qui sont commis en dehors de la loi sont inadmissibles. Mais la violence israélienne encourage cet extrémisme, qui est ultraminoritaire. La vraie réponse à ces actes serait l’acceptation par Israël de la reprise d’un processus politique.

Monde
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