Malaises
dans l’hebdo N° 953 Acheter ce numéro
Le collectif Urgence Darfour, qui fait circuler une « europétition », « pour que l’ONU soit obligée de se rendre sur place » , divise les ONG. Médecins sans frontières (MSF) et Action contre la faim (ACF) ont qualifié de « simplistes » et « dangereuses » ses propositions d’intervention au Darfour et d’armement des rebelles du Mouvement de libération du Soudan. « Intervenir militairement, au nom du bien-être des populations, se solde souvent par un grand nombre de victimes civiles » , a alerté Gabriel Trujillo, responsable adjoint des programmes de MSF. Président de Médecins du monde (MDM), Pierre Micheletti a déclaré que son organisation ne se reconnaissait pas « dans la lecture qui ferait du Darfour uniquement un conflit opposant l’islam radical à l’islam modéré » . Il dénonce aussi les « liaisons dangereuses » entre humanitaires et militaires suscitées par le collectif : « Positionner des ONG comme des détonateurs des interventions armées est la meilleure façon d’hypothéquer leurs capacités à intervenir pour aider les populations. »
Présidée par un ancien de MDM, Jacky Mamou, Urgence Darfour est soutenue par Bernard-Henri Lévy, qui a pris la tête d’une campagne contre « ce qui peut devenir le premier génocide du XXIe siècle » . Nicolas Sarkozy s’est engagé à peser sur le Conseil de sécurité, le 20 mars, lors d’une soirée organisée par Urgence Darfour à la Mutualité, à Paris. Et le nouveau ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, également présent le 20 mars, a annoncé le 19 mai qu’il faisait du Darfour « une de ses priorités » . Derrière la question des personnes, deux visions du monde s’opposent : selon Jean-Hervé Bradol, président de MSF, Urgence Darfour, calquée sur le modèle américain, « a une cause politique à défendre : la mise au pas du régime soudanais actuel par une surenchère guerrière » . Une surenchère qui pourrait profiter de l’instrumentalisation des humanitaires et du droit d’ingérence.