Courrier des lecteurs Politis 957

Politis  • 21 juin 2007 abonné·es

L’oeuvre de Dieu n’aime pas les polars !

Si la procédure engagée par l’Opus Dei contre la fragile maison d’édition Après la lune a moins de chance d’être médiatisée que le procès des caricatures intenté à Charlie Hebdo , j’estime qu’elle n’en est pas moins inquiétante pour la liberté d’expression.

La puissante organisation catéchistique s’estime en effet diffamée dans Camino 999 , un polar de Catherine Fradier, et compte en obtenir réparation devant les tribunaux. Cet auteur n’est pas une obscure scribouilleuse de romans de gare puisqu’elle a obtenu le prix Sang d’encre et surtout le prestigieux Grand Prix de la littérature policière pour son précédent roman. Son talent et sa rigueur sont irréprochables. Il est, par ailleurs, clairement énoncé dans son ouvrage que le protagoniste incriminé est un personnage de fiction.

Ce qui me choque profondément dans la démarche de l’Opus Dei n’est pas tant le recours à la justice que la singulière manière dont elle justifie sa démarche sur son site Internet officiel. On se souvient que l’‘uvre de Dieu ­ répertoriée comme secte par les parlementaires belges ­ avait renoncé à s’attaquer au Da Vinci Code , dans lequel elle était pourtant bien plus gravement mise en cause que dans le bouquin de Fradier. Il n’est pas utile d’être canonisé pour deviner que l’organisation n’a pas osé affronter les redoutables avocats américains de Dan Brown et de son éditeur. Au lieu d’admettre cette sage circonspection, l’Opus Dei présente hypocritement sa reculade comme un avertissement pédagogique. Pour son malheur, l’effrontée Fradier n’a pas retenu la charitable leçon. Faute de grives, on brûlera donc du Merle, et la proie plus facile sera soumise à la question comme aux grandes heures de l’inquisition. L’Opus Dei nous confirme une fois de plus que le courage et la franchise ne sont pas inscrits à la liste des Dix Commandements et qu’au lieu de tendre l’autre joue, ces saints hommes-là sont prompts à sortir le Kärcher.

Plus grave encore : par charité chrétienne, la prélature personnelle de l’Église catholique prétend ne pas exiger la censure du livre ou son interdiction. Oubliant qu’il ne suffit pas de rouler un corbeau dans la farine pour en faire une oie blanche, elle omet également de préciser qu’en exigeant 30 000 euros de dommages et intérêts, elle signe purement et simplement l’arrêt de mort de cette petite maison d’édition indépendante. Mercantilisme et règlements de comptes ne sont pourtant pas les meilleurs chemins de la béatification. Josemaría Escrivá de Balaguer doit se retourner dans sa tombe.

Coïncidence terrestre s’il en est, Jean-Jacques Reboux, l’éditeur stigmatisé, a publié récemment une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, dans laquelle il dénonce les bavures policières et récidivait dans le péché en publiant un autre ouvrage décrivant la condition faite aux chômeurs dans le royaume de France. Quelques semaines après l’entrée au gouvernement d’une ambassadrice du Vatican, en la personne de notre ministre du Logement, l’Opus Dei a décidé d’avoir sa peau. Après quatre-vingts ans d’OPA sur le ciel et la terre, l’‘uvre de Dieu veut maintenant assassiner la lune. Au secours !

Arnaud Gobin

Le calendrier électoral

Depuis que je suis abonné à Politis , je lis avec intérêt (je commence par là !) les billets de Bernard Langlois […]. J’ai apprécié ceux qui ont accompagné les récentes élections, mais, dans le dernier, il y a un point avec lequel je ne suis pas d’accord : Bernard Langlois a l’air de dédouaner Jospin d’avoir mis la présidentielle avant les législatives. Certes, en mettant les législatives après la présidentielle, Jospin allait « dans le sens des institutions ». Et il était assez surprenant à l’époque de voir la droite combattre une décision qui était dans le droit fil de la constitution gaulliste, et la gauche défendre une mesure qui renforçait le « coup d’État permanent ». Mais n’était-ce pas justement l’occasion pour la gauche de réformer ces institutions dans un sens plus démocratique ? L’élection de députés avant la présidentielle permettrait au mois un éventail plus nuancé, un Parlement moins à la dévotion du maître qui l’a fait élire, malgré l’absence de proportionnelle ; à cet égard, les efforts de Hollande pour prouver que 100 députés PS seront plus efficaces que 80, face à la foule de dévots sarkozystes qui s’annonce, ont quelque chose de poignant !

Je ne crois pas, comme le pense Bernard Langlois, que l’ordre inverse des élections aurait nécessairement pour résultat de mener à une cohabitation : la logique « un Parlement pour aider le Président à gouverner » pourrait jouer aussi en sens inverse ; on élit des députés, et ensuite le président qui peut aller avec ; et si aucune majorité nette ne se dégage (un peu comme ce qui s’est passé en Allemagne aux dernières élections), le futur président pourrait annoncer avec qui il compte gouverner, ce qui éviterait les arrangements de couloir style IVe République. Ainsi, on voterait en connaissance de cause pour un président sur un programme législatif ou sur une alliance claire, et non sur l’aura médiatique d’un individu. La démarche serait plus démocratique et moins soumise au « charisme » d’une personne (du charisme au plébiscite, la pente est savonneuse !).

Or, depuis 2002, on est dans une logique plébiscitaire […]. Quelle est la part de vrai choix des électeurs ? S’ils ont voté pour un président dont ils ne voulaient pas vraiment, par refus du pire, ils ne peuvent infléchir ou nuancer leur vote ensuite ; s’ils ont voté pour un candidat qui échoue, ils n’ont plus qu’à subir la vague, rose ou bleue, qu’on leur impose au nom de l’efficacité des institutions. Et cette dérive, Jospin, en démocrate, aurait dû y penser et non faire de petits calculs à courte vue. Gouverner, c’était prévoir !

B. Bérodier (courrier électronique)

« À l’eau ! Pourquoi tu tousses ? »

«Pas assez de poutre aux yeux ? Voilà le temps qui 6 mai », s’apostrophe Âne, une ménagère de plus de 50 ans, du fond de son Aquitaine.

« Déluge ? Dis-tu ? », s’interroge Idiotaime, l’ami au coeur fidèle !

Danger

La tornade Nicolette s’est abattue sur la France avec pluie de félons… Ahr !!!!

« Pourvu que cela ne dure pas plus de quarante jours », s’inquiète le tendre Idiotaime.

Désenchanté

Après des averses de larmes et de mises en scène, le roi Râ ne peut supporter cette ubuesque fanfaronnade et sous son arche s’est caché, afin de ne point faire d’ombre au triomphal dandy, ficelé dans son costume prada comme un bourrin dans un écrin. Neuilly, Passy : la pradattitude.

Perturbation

L’eau coule sur les ponts ; pour une rupture, c’est une rupture.

Consternation/Dévastation

Arrive Fillon, le glaceur des retraites. Avec lui le peuple fut bien traité.

Après l’avoir eu dans le fion, il se pourrait qu’il l’ait dans l’os : Adieu hôpital, sécu, service public…

La Perrettattitude

Ciel nuageux

S’ensuit Juppé le morose (du réchauffé !) C’est la planète qui va être contente. Surtout avec le défilé de certains Verts, aux pas cadencés, droits dans leurs bottes : le nucléaire, les OGM, les pesticides… À la trappe ces bagatelles élyséennes.

Pauvre, pauvre petite planète bleue.

Pluies diluviennes

La presse s’embourbe, plus mouillée tu meurs ! De concert, nos informateurs roucoulent depuis un certain temps : « Tous pour un, un pour lui ! » Que du bonheur !

Et si, par malheur, un bruit s’éveille tel que dame Cécilia n’aurait point voté ce 6 mai-là (grand bien lui fasse), la garde rapprochée vole au secours de sa belle (des fois qu’la ménagère de plus de 50 ans copierait) pour arrêter l’offense du dimanche… Ahr ! c’est bien connu, si tu ne vas pas à Lagardère…

Truquée, tronquée, muselée, ce n’est plus de l’info, c’est du papier mâché !! ggrrrr !! C’est qu’ils mordraient les cabots du nabot !!

« Arh !! râ !! r ! ha ! », s’étouffe Idiotaime tel un naufragé fatigué.

Un règne chasse l’autre

Debout cher Idiotaime, prends ma main. Nous n’avons rien à attendre d’une poignée de privilégiés, haineux, crapuleux et de leurs sbires piaffant, rampant tels des courtisans d’anciens régimes en quête de quelques pouvoirs au sortir de l’isoloir : pitoyable spectacle d’une sophiste gouvernance !!

Il pleut toujours où c’est mouillé.

« Et, en plus, cela dure depuis plus de vingt jours », ajoute mon Idiotaime, contrarié par ce ciel très chargé…

La France est mon pays, ma terre, mon histoire : démocratique, laïque, républicaine et révolutionnaire.

Nous n’allons pas laisser ce déluge libéral vider la France de sa substantifique humanité.

Quarante-deux jours/Aux urnes citoyen(ne)s

Damnés que nous sommes ! Aux urnes, et fasse le ciel que Paris ne s’éveille pas dans une oligarchie absolutiste !

« À l’eau, pourquoi tu tousses ? »

Véronique Tomczyk (Aquitaine)

Précaution, prévention, justification

«Verdir le PS » est la proposition de Thierry Jacquot dans le n° 955 de Politis . Il évoque le principe de précaution, inscrit par Chirac dans le préambule de la Constitution française. En application de ce principe, le PS arrêterait les essais de graines OGM en plein champ tout en acceptant la poursuite des essais en laboratoire sur des modifications génétiques sur tout le vivant. Dans le domaine du nucléaire, l’État, qu’il soit de droite ou de gauche, ne parle pas de « précaution » mais plutôt de « prévention », au prétexte que tous les risques sont aujourd’hui connus. Dans de telles conditions, j’ai refusé de continuer à participer aux organismes d’information sur la sûreté du nucléaire, qui a aujourd’hui pour seul but de rassurer les usagers sur l’efficacité du contrôle des installations (CSSIN, devenu en juillet 2006, Haut Comité pour la transparence). On voit ainsi que, dans ces deux domaines, les divergences apparaissent selon qu’il s’agit de recherche sur les principes ou d’application industrielle. La limite entre les deux restera toujours floue. Il conviendrait donc de chercher une autre voie pour contrôler les risques de progression de plus en plus rapide de la science et de la technique. La loi européenne de protection sanitaire contre les dangers résultants des rayonnements ionisants (la radioactivité) a ouvert cette autre voie en 1996. Elle dit : « L’État veille à ce que tous types de pratique soit justifiés par leurs avantages économiques sociaux et autres, par rapport au détriment sanitaire qu’ils sont susceptibles de provoquer. » C’est ce que certains ont appelé le principe de « justification ». Le débat se trouve alors reporté sur la notion de « détriment sanitaire », son domaine à l’intérieur du vivant (les plantes, les animaux, l’homme), sa durée pour les générations à venir, etc. Il existe aujourd’hui plusieurs lieux de concertation où ce débat pourrait être ouvert aux usagers : les enquêtes d’utilité publique, les commissions locales d’information qui existent autour des installations industrielles classées, les commissions des débats publics, à condition que les décideurs veuillent bien les écouter (voir l’EPR et les déchets nucléaires), les conférences de citoyens chères à Jacques Testart, membre de l’Observatoire du 6 mai de Politis .

Jean-Pierre Morichaud (Drôme)

Encore Chavez

En publiant ma lettre dans le n° 956 de Politis , vous avez caviardé deux lignes de mon premier paragraphe.

Ces deux lignes voulaient ironiser, sans aucune méchanceté, sur l’importance excessive donnée par M. Sanjurjo à un événement mineur, le non-renouvellement d’une licence d’exploitation de télévision. Avec les meilleures intentions du monde, M. Sanjurjo emboîte le pas à toute une presse réactionnaire qui dénigre systématiquement Chavez dans le moindre de ses actes. Que n’avait-t-on pas déjà lu sur ce sujet en indignations sournoises. C’est ce que je voulais dénoncer.

Cette critique d’un de vos journalistes, si modérée qu’elle ait été, a été censurée. Elle ne comportait rien d’excessif ni d’injurieux. Ceci signifie que les journalistes de Politis sont protégés de toute mise en cause par la revue elle-même. Ce n’est pas très loyal.

Je vous mets au défi de publier cette protestation.

Georges Apap, Béziers (Hérault)

Défi relevé, cher Georges Apap ! Vous n’êtes pas assez attentif à notre courrier. Vous y verriez, sinon, que nous récoltons souvent de belles volées de bois vert. Si, en l’occurrence, une secrétaire de rédaction a coupé deux lignes, c’est vraiment pour des raisons de place, et parce que la suite de votre propos lui paraissait sur le fond plus importante. En toute amitié ?

D. S.

Courrier des lecteurs
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