Réformer les institutions internationales
dans l’hebdo N° 956 Acheter ce numéro
Réunions du G8 et des chefs d’État et de gouvernement européens : les sommets à grand spectacle se succèdent en ce mois de juin 2007. Pourtant, le niveau de la coopération internationale a rarement été aussi faible. En fait, la régulation de la planète est en crise dans les domaines fondamentaux. L’environnement, d’abord : les États-Unis de Bush refusent des engagements contraignants proposés par les pays européens dans la lutte contre le réchauffement climatique, au motif que cela risquerait de pénaliser la croissance américaine, fondée sur la surconsommation d’énergie. Le commerce international ensuite : les négociations à l’OMC sont en panne parce que les États-Unis et l’Europe refusent d’abandonner leurs politiques agricoles productivistes et protectionnistes. Enfin, dans le domaine de la finance internationale, c’est la crise des institutions financières internationales (IFI) de Bretton Woods, dont le dernier épisode est la démission forcée de Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale. Le ridicule tue parfois : ce protégé de Bush, ancien n° 2 du Pentagone, est accusé de népotisme alors que son cheval de bataille était la lutte contre la corruption (dans les pays pauvres, il est vrai).
On assiste à une crise sans précédent du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Ces deux institutions, autrefois si puissantes, sont aujourd’hui discréditées et marginalisées. Notamment du fait de la hausse du prix des matières premières, la plupart des pays en développement ont désormais des comptes extérieurs excédentaires. Ceux-ci ont accumulé des réserves de change (3 000 milliards de dollars), et peuvent donc se passer des financements des IFI, dont l’activité est en chute libre ! Cette marginalisation des IFI est illustrée par le projet de Banque du Sud lancé par l’Argentine et le Venezuela. L’objectif est de permettre aux pays d’Amérique latine d’obtenir des financements extérieurs sans passer par la Banque interaméricaine de développement, qui est liée à la Banque mondiale et au FMI.
Il faut saluer cette initiative de la Banque du Sud, qui remet en cause le fonctionnement actuel des IFI, bras armés des pays riches. Doit-on pour autant souhaiter la disparition pure et simple des institutions internationales, dont le rôle essentiel est de réguler la mondialisation sur une base multilatérale et intergouvernementale ? Il est inquiétant de constater que la mort des IFI est souhaitée à la fois (et bien sûr pour des raisons différentes) par les ultralibéraux, qui rejettent toute forme de régulation publique, et par certains altermondialistes qui considèrent ces institutions comme fondamentalement dangereuses.
Il ne faut pas se tromper d’objectif. Il est essentiel de militer non pas pour la suppression des institutions internationales, mais plutôt pour leur réforme radicale [^2]
. En commençant par leur démocratisation. Car il est vital de préserver une approche multilatérale de la régulation internationale. On peut déjà constater les effets pervers de l’affaiblissement des institutions multilatérales. Ainsi, la crise de l’OMC est allée de pair avec la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux signés par les grandes puissances avec des pays en développement, dans le contexte d’un rapport de force forcément très défavorable à ces derniers. C’est le cas des accords dits « partenariat économique » de l’Union européenne avec les pays africains.
Dans le domaine financier, la Chine qui a accumulé plus de mille milliards de dollars de réserves extérieures se substitue aux IFI dans les pays africains et organise au profit de ces derniers un programme de financements estimé à 20 milliards de dollars. Ces prêts n’ont pas pour objectif premier le développement de ces pays. Ils sont d’abord destinés à sécuriser l’approvisionnement de la Chine en pétrole et en matières premières. Ces financements bilatéraux sont malsains car ils favorisent des rapports de dépendance politique de nature coloniale.
Autre effet pervers de l’affaiblissement des IFI et des financements publics multilatéraux : l’émergence d’un processus de privatisation de l’aide internationale avec la montée en puissance des grandes fondations américaines (Carnegie, Rockfeller, Ford, Bill Gates, etc.). En 2006, les versements de ces dernières au titre de l’aide internationale auraient atteint 3 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’aide publique au développement de la France !
Il est urgent de relancer la coopération internationale des États et de réformer en profondeur l’architecture actuelle des organisations internationales… tout en préservant le principe fondamental du multilatéralisme.
[^2]: Que faire du FMI et de la Banque mondiale ?, Attac, éditions Mille et Une Nuits.
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