Sarko et moi…
dans l’hebdo N° 958 Acheter ce numéro
Le battage médiatique autour du débauchage de Bernard Kouchner ou de Jean-Marie Bockel a masqué une tentative d’ouverture autrement plus audacieuse… Le président Sarkozy entrant, en personne, dans mon bureau. Celui-ci étant situé à proximité d’un commissariat, cette visite a pu passer inaperçue. J’avais refusé de me rendre au pavillon de La Lanterne, le Président est venu me relancer lui-même. Très direct, il me précise aussitôt ses objectifs : « J’ai signé le pacte écologique et je veux respecter mes engagements. Le développement durable, c’est du pipeau. Je veux un grand ministère de la Décroissance et de l’Après-développement. Jai besoin de toi. » Je reste interloqué. « Je te laisserai carte blanche pour mettre en oeuvre ton programme » , insiste-t-il. M’étant un peu repris, je tente de résister.
Mais Borloo ?
Borloo, c’est comme Juppé, c’est nul de nul. C’est de l’écologie cosmétique façon Chirac. Non, je veux la rupture, et pour ça, j’ai bien compris : il n’y a que la décroissance. »
Mais, Mme Parisot et le Medef ?
La politique de la France ne se fait pas à la corbeille, réplique-t-il, très gaullien.
Mais vos amis, Bouygues, Bolloré, Lagardère…
Bouygues est d’accord pour se lancer dans la construction massive d’éco-villages. Il a donné les instructions à TF 1 pour réserver le temps de cerveau disponible à la décolonisation de l’imaginaire et non plus à Coca-Cola. Bolloré, avec la 8, est converti à l’écologie depuis longtemps, et il mettra son yacht à disposition pour une exposition itinérante sur la décroissance. Quant à Lagardère, qui publie déjà tous les écolos, il va transformer ses canons en charrues pour revenir à l’agriculture paysanne.
Interdit, je tente une dernière résistance : « Mais, travailler plus pour gagner plus ? » Il m’interrompt : « On a trahi ma pensée. J’ai voulu dire qu’il fallait passer plus de temps sur les lieux de travail, compris comme lieux de convivialité et de citoyenneté. On se réalisera sans forcer sur les cadences, pour s’enrichir humainement. À vrai dire, il faudra plutôt pousser les travailleurs hors des usines et des bureaux en fin de journée, pour qu’ils laissent les copains et s’occupent un peu de leur famille. »
Puis, d’un coup, très énervé : « T’as intérêt à accepter mon pote, sinon je te pourris la vie avec tracasseries policières et contrôles fiscaux. »
Un hurlement de sirène me sort de ma torpeur. Plus personne devant moi. Je jette un oeil par la fenêtre. Le quartier est bouclé. Une rafle de clandestins…