Trois décennies d’occupation et d’oubli

Le 18 juin, sous l’égide de l’ONU, les négociations ont repris entre le Maroc et le Front Polisario. Objectif :
le droit du peuple sahraoui à son autodétermination.

David Boshart  • 28 juin 2007 abonné·es

Ancienne colonie espagnole située entre la Mauritanie et le Maroc, et annexée par celui-ci depuis 1975, le Sahara occidental est depuis plus de trente ans le théâtre de disparitions (on est toujours sans nouvelles de 520 civils sahraouis disparus dans les années 1970 et 1980), de tortures, d’emprisonnements, d’exactions commises par les troupes d’occupation marocaine sur la population autochtone sahraouie.

Cette région, qui bénéficie d’un des plus grands gisements de phosphate du monde et d’excellentes côtes de pêche (seules richesses aujourd’hui exploitées), mais également de gaz, d’or, de pétrole, d’uranium, attire les convoitises, au grand dam d’un peuple qui est aujourd’hui séparé entre le Maroc et les campements de réfugiés de Tindouf, en Algérie. Entre 1980 et 1984, Hassan II fit édifier en plein désert, avec le soutien logistique étasunien, français et israélien, un mur de sable entouré de barbelés et de mines, séparant la population sahraouie (de culture nomade) et hypothéquant le devenir économique, social, politique et démocratique de la région.

En 1991, après dix-huit années de lutte armée, le Front Polisario accepta de signer un cessez-le-feu prévoyant un référendum d’autodétermination l’année suivante. Toutefois, le Maroc poursuivit la colonisation et la militarisation de la région, et repoussa continuellement ce référendum.

Depuis 2005, des soulèvements pacifiques indépendantistes menés par la population civile sahraouie éclatent quasi quotidiennement dans les villes du Sahara occupé, mais aussi dans des villes du sud du Maroc.

Ces faits, intolérables pour le régime marocain, sont très violemment réprimés par l’armée et la police marocaines (maisons saccagées, civils, enfants, femmes, vieillards battus et refusés dans les hôpitaux) malgré la présence sur place de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), dont le mandat ne prévoit malheureusement pas la protection des populations civiles.

Les journalistes ne sont bien sûr pas les bienvenus, et les défenseurs des droits humains subissent pressions, intimidations ou arrestations. C’est, par exemple, le cas de Brahim Dahane, président de l’ASVDH (Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains commises par l’État marocain), qui fut emprisonné du 31 octobre 2005 au 22 avril 2006 pour avoir demandé l’autopsie de Hamdi Lambarki, jeune homme tabassé à mort par la police dans les rues de Smara, le 29 octobre 2005, pour le simple fait d’avoir brandi en public le drapeau national sahraoui. Deux membres de l’ASVDH, Brahim Sabbar et Ahmed Sbai, accusés de diriger « une association de malfaiteurs » et d’inciter à des « activités violentes à l’encontre de l’État marocain » , ont été condamnés le 22 mai dernier en appel, lors d’un procès inique, à dix-huit mois de prison.

En mars dernier, à Layoune, Smara et Dakhla, nous avons pu constater la situation critique dans laquelle se trouve le peuple sahraoui, mais aussi sa détermination. Dans les rues, des jeunes nous interpellaient en revendiquant l’indépendance, parlaient du Front Polisario, montraient des blessures infligées par la police sur les bras, dans le dos, à tête… Certains sont d’ailleurs prêts, si le Front Polisario le demandait, à reprendre la lutte armée. Dans certains cybercafés, les pages dernièrement consultées vous emmènent sur des sites prônant l’indépendance.Des musiques jusqu’alors difficiles à trouver s’échangent sous le manteau dans des magasins…

La société sahraouie se réveille. Et ce n’est pas la création du Conseil royal consultatif pour les affaires sahraouies (CORCAS), véritable mascarade démocratique constituée de Sahraouis ralliés au Maroc et chargée d’élaborer un projet d’autonomie renonçant à la souveraineté sahraouie sur la zone, qui modifiera la donne. Malgré l’arrivée massive de colons, le Maroc refuse d’organiser le référendum parce qu’il n’est pas sûr que ceux-ci s’opposent à une indépendance qui pourrait constituer, pour eux-mêmes, un véritable espoir démocratique.

Il est aujourd’hui patent que le Maroc, bien que s’enlisant dans l’impasse de la violence, ne pourra endiguer un espoir qui n’a plus peur de s’exprimer. Il est donc de la responsabilité de la communauté internationale de faire pression pour que les négociations engagées aboutissent et que soit appliqué le droit du peuple sahraoui à son autodétermination. Quant à la France, elle n’a jamais cessé de soutenir le Maroc, et cela en notre nom.

Monde
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