Un œil sur tout

Au commencement était le verbe. Un témoignage oral, subjectif, forcément arbitraire. Après le verbe, vint la photographie. Niepce a fait sa révélation. La photographie devient agent de recherche, diffuseur d’informations. Au cours des années 1850, le procédé se développe, au fil des progrès, des tirages, à l’usage du collodion, le format se standardise. L’enregistrement est mécanique. Les criminels n’ont qu’à bien se tenir devant l’objectif. Pour l’individu, c’est une double arrestation. Celle de la police, celle de l’image. Ça vaut alors son poids de trognes hagardes, démunies, ahuries, abruties.

Alphonse Bertillon, fort de ses compétences en anthropologie, adepte de la craniométrie et du fichier, modifie le système. À la photographie s’ajoute alors une description physique détaillée. Bertillon ou le père de la carte d’identité. Le système est en route, dépassant le cadre de la justice pour entrer dans l’intimité, se calant sur les prouesses technologiques. Tel est l’objet de cette soirée thématique articulée autour de la surveillance, des contrôles informatiques tous azimuts. Bien malgré nous, à notre insu aussi. Sécurité oblige.

Voilà une soirée éclairée par un documentaire, Total Contrôle , de Bruno Fay, Xavier Muntz et Étienne Labroue. Des experts en nouvelles technologies y établissent un panorama stupéfiant des dispositifs de surveillance mis en oeuvre de Paris à Pékin, de Tunis à Berlin, avec leurs outils de traçage et d’identification, de plus en plus perfectionnés. La mode est au virus et aux logiciels intrusifs qui prennent le contrôle des ordinateurs pour épier l’usager jusque dans son intimité, chez lui ou sur son lieu de travail.

La biométrie gagne aussi les entreprises et les collectivités. Flicage dénoncé par les syndicats. Qui ne change pas la marche de l’identification par radiofréquences. Des implants de puces dans le corps humain. De quoi localiser en temps réel n’importe quel individu. Big Brother, c’est déjà aujourd’hui.