Vers un bipartisme accentué

L’UMP accentue sa domination à l’issue du premier tour, marqué par une abstention record. L’Assemblée nationale risque de ne plus compter que deux groupes parlementaires à la représentativité contestable.

Michel Soudais  • 14 juin 2007 abonné·es
Vers un bipartisme accentué

Nicolas Sarkozy avait demandé aux électeurs de lui donner une majorité qui lui permette de gouverner. Ils lui ont obéi le doigt sur la couture du pantalon. Enfin presque… Car si l’UMP et ses alliés, dont le bien mal nommé « Nouveau Centre », sont les incontestables vainqueurs du scrutin du premier tour, le premier parti de France reste celui des abstentionnistes. Plus de 17,3 millions d’électeurs, 39,56 % des inscrits ! Un record pour ce type de scrutin. En 2002, le taux d’abstention avait atteint au premier tour 35,58 %, ce qui constituait jusqu’à ce dimanche le record depuis 1958. Cette désaffection civique contraste avec l’élection présidentielle, qui avait suscité, à l’inverse, une participation extrêmement élevée (84,4 %). Que tant de citoyens, par lassitude ou résignation, voire parfois pour protester contre un mode de scrutin inique, aient boudé cette consultation n’en invalide certes pas le résultat. Néanmoins, cette grève des urnes entache un peu plus la légitimité d’une institution censée assurer la représentation nationale. Surtout si, comme nous l’annoncent les instituts de sondage, les 53 % de sarkozystes de la présidentielle occupent 80 % des bancs de l’hémicycle, la semaine prochaine.

Illustration - Vers un bipartisme accentué


Nicolas Sarkozy dans son bureau de vote de Neuilly. FAGET/AFP

La majorité de droite, déjà massive dans l’assemblée sortante, où elle comptait 359 députés UMP et 29 UDF, pourrait bien s’étoffer de plusieurs dizaines d’élus supplémentaires. Signe de cette domination, le premier tour a permis d’élire ou de réélire 110 députés d’emblée, tous de droite à l’exception du socialiste Michel Lefait, réélu à Saint-Omer (Pas-de-Calais). Parmi eux, deux villiéristes, Véronique Besse et Joël Sarlot, élus en Vendée avec la bénédiction de l’UMP. Et dans 336 circonscriptions où ils sont en ballottage, les candidats de l’UMP et du Nouveau Centre sont en tête. Pourtant, au premier tour, la droite a recueilli 45,5 % des voix, soit seulement deux points de plus qu’en 2002 (43,5 %), tandis que la gauche, toutes formations confondues, s’est maintenue à 39 % (40 % il y a cinq ans).

Au sein de la gauche, le PS (25,6 %), allié au PRG et au MRC, accentue sa domination. Il pourrait bien être le seul parti de gauche en mesure de former, dimanche, un groupe parlementaire. À l’exception de 26 candidats communistes et 4 candidats Verts encore présents au second tour, l’essentiel des candidats de gauche seront socialistes ou apparentés. 112 sont arrivés en tête dans leur circonscription au premier tour. La personnalité des élus ne sera pas sans incidence sur les équilibres internes du PS et la nature de sa rénovation.

La plupart des lieutenants de Ségolène Royal pour la campagne présidentielle se trouvaient en difficulté à l’issue du premier tour des législatives, une situation qui pourrait peser sur les ambitions de la candidate socialiste à l’intérieur du PS. L’ancien directeur de la campagne de la candidate socialiste, Jean-Louis Bianco, les deux porte-parole, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, le secrétaire national à l’économie, Michel Sapin, le porte-parole du PS, Julien Dray, ainsi que le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC), Jean-Pierre Chevènement, étaient en ballottage défavorable. L’ancien président de SOS Racisme, Malek Boutih, n’a pas réussi son parachutage dans la 4e circonscription de Charente, où il a été éliminé dès le premier tour, ne totalisant que 15,66 % des voix face à une candidate dissidente du PS. Seule Delphine Batho, qui se présentait dans l’ancienne circonscription de Ségolène Royal, dans les Deux-Sèvres, se trouvait en bonne position pour être élue. Ces difficultés expliquent, en partie, les appels du pied réitérés des « royalistes » en direction du MoDem.

Cette recherche d’une nouvelle alliance apparaît bien chimérique tant au regard des résultats de la formation de François Bayrou que du comportement de ses candidats. Le score du MoDem (7,61 %) marque certes un progrès par rapport à celui réalisé par l’UDF au premier tour des législatives de 2002 (4,85 %). Mais il est largement inférieur aux 18,57 % des voix recueillis, le 22 avril, par le Béarnais, qui échoue à faire émerger une formation politique centrale, dans un système politique de plus en plus bipartite. Avec sept candidats seulement encore en lice, le MoDem aura au mieux quatre élus dans la future assemblée. François Bayrou devrait sauver son siège après le retrait de l’UMP en sa faveur. Jean-Christophe Lagarde a mis son drapeau dans sa poche pour préserver le sien dans la circonscription de Bobigny, où il a le soutien du villiériste Alexandre Varaut. Quant aux candidats du MoDem éliminés, ils inclinent souvent vers l’UMP. Dans la 2e de la Drôme, Thierry Cornillet a appelé ses électeurs à voter pour le candidat de l’UMP, Franck Reynier, en ballottage favorable pour succéder au secrétaire d’État, Éric Besson. Ainsi se confirme que, dans le cadre de la Ve République, le centre n’existe pas.

Dernier enseignement de ce scrutin : la déconfiture électorale de l’extrême droite se confirme et s’accentue. Avec 4,29 % des suffrages, le Front enregistre le plus mauvais résultat électoral depuis son ascension au début de la décennie 1980, quelques semaines après le camouflet de l’élection présidentielle. Seule Marine Le Pen, vice-présidente du parti, est qualifiée pour un difficile duel face au PS dans sa circonscription du Pas-de-Calais, avec 24,47 % des voix. Si le FN a perdu ses électeurs, ceux-ci ne se sont pas pour autant volatilisés. En témoignent les projets de loi annoncés du gouvernement sur l’immigration et la sécurité, qui visent à les satisfaire. Mais aussi les propos du socialiste Jean-Marc Ayrault, qui réclame que le PS engage sa rénovation en abordant désormais ces deux questions « sans tabou » . La disparition du FN n’est pas encore celle de ses idées.

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