De bons islamistes
Le triomphe électoral de l’AKP rassure paradoxalement la communauté internationale.
dans l’hebdo N° 962-964 Acheter ce numéro
Les élections législatives turques se sont soldées, dimanche, par une victoire massive du Parti de la justice et du développement (AKP), le parti islamiste du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Celui-ci recueille 46,6 % des voix (une progression de 13 % par rapport à 2002), et remporte 341 sièges sur 550 au Parlement. Le corollaire de ce très net succès est la cuisante défaite du Parti républicain du peuple (CHP), le parti laïque fondé par Mustafa Kemal, qui n’a obtenu que 20,85 % des voix.
Ce résultat fait suite à une période de graves tensions. Au printemps, le candidat de l’AKP à la présidence de la République, Abdullah Gül, avait dû se retirer à la suite de manifestations de rue dénonçant le risque d’une islamisation de la société. La femme de M. Gül, parce qu’elle porte le voile comme la grande majorité des femmes turques, avait été au centre de la polémique. L’armée, traditionnellement proche du CHP, avait laissé poindre la menace d’une intervention.
Il semble que les Turcs aient finalement considéré que la menace d’un coup d’État était plus redoutable que la menace islamiste. La Turquie représente un cas intéressant dans le débat qui traverse aujourd’hui la plupart des pays musulmans entre un pôle islamiste plus ou moins modéré et un pôle laïque prêt à prendre le risque de la dictature militaire. Le regard de la communauté internationale est aussi très différent sur l’expérience turque. Le Président israélien, Shimon Peres, a immédiatement rappelé que l’AKP entretenait d’excellents rapports avec son pays. Les Occidentaux ont félicité comme un seul homme le vainqueur du jour. La Bourse a monté en flèche. Il est vrai que l’AKP est engagé dans la voie de réformes libérales qui toucheront la Sécurité sociale, la fiscalité et la décentralisation administrative. Des islamistes néolibéraux sont de bons islamistes. Quoi qu’il en soit, l’exemple turc pourrait aussi contribuer à banaliser un certain islamisme politique.