Hésitations
dans l’hebdo N° 960 Acheter ce numéro
La nouvelle diplomatie française se cherche. Après un affichage très atlantiste, que la nomination de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay n’a surtout pas démenti, Nicolas Sarkozy donne l’impression de vouloir se frayer un chemin entre la lourde tutelle américaine et des velléités d’indépendance. Il s’agit, dans le cadre d’un alignement sur la politique américaine, de se ménager quelques apparences d’autonomie. Le dossier libano-syrien est aujourd’hui l’enjeu de cet exercice de haute voltige. Celui-ci offre une particularité par rapport au dossier israélo-palestinien, qui renvoie au passé récent. Car autant Jacques Chirac faisait valoir une autonomie au moins symbolique s’agissant d’Israël et de la Palestine, autant il était à l’unisson des États-Unis de George Bush dans le dossier syro-libanais. Cela en particulier en raison des liens personnels que l’ancien président français entretenait avec l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005. Paris et Washington avaient même fait de ce dossier l’instrument de leur rabibochage après la crise irakienne.
Autrement dit, il s’agit pour Nicolas Sarkozy de s’émanciper de la diplomatie chiraquienne sans froisser le grand parrain américain. C’est dans ce contexte que l’affaire du voyage à Damas d’un émissaire français (voir ci-contre l’article d’Étienne de l’Ancro) doit être analysée. Au-delà même de la crise libanaise, il s’agit d’un test pour Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, qui tentent de mesurer leur marge de manœuvre par rapport à Washington. Tout en étant sans l’ombre d’un doute « atlantistes », ils s’efforcent tout de même de faire valoir un tropisme français, c’est-à-dire une vision un peu moins idéologisée des rapports avec les pays de l’« Axe du Mal » cher aux néoconservateurs américains. En outre, il peut paraître contradictoire – même s’il faut évidemment s’en féliciter – de voir la France inviter à Paris des représentants de haut rang du Hezbollah, tandis qu’elle a refusé de discuter avec le gouvernement d’union nationale palestinien quand celui-ci, avant la mi-juin, réunissait le Fatah et le Hamas. La doctrine du « on discute avec tout le monde » (Kouchner) souffrirait-elle d’exception ?