Les Verts se cherchent
L’effervescence écologiste du dernier week-end a suscité quatre réunions de réflexion et de refondation. Mais c’est à Tours, à l’initiative de Daniel Cohn-Bendit, que les effectifs étaient les moins maigres.
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Entre les Verts en tentative de refondation à Tours, les Alter Ekolo se retrouvant à Lille, les amis de Nicolas Hulot se réunissant en Bretagne et Jean-Luc Bennahmias fondant avec Corinne Lepage un club Écologie, Développement durable et Démocratie, il y avait de quoi entretenir la confusion, sinon entrevoir la refondation. En regroupant 250 personnes à la veille d’un départ en vacances, la réunion de Tours a été la plus suivie. Les Verts, quelques sympathisants et une poignée de socialistes venus, comme Bruno Rebelle, par curiosité ont d’abord été longuement psychanalysés en direct par Stéphane Rozes, le patron de CSA-opinion. Une volée de bois vert joliment assénée et quelques conseils qui paraissent avoir fait mouche. « Votre problème , a-t-il notamment expliqué, est qu’il existe une contradiction permanente entre le Français consommateur qui recherche toujours le moins cher et le Français salarié. L’écologie politique doit porter la promesse qu’il ne faut pas externaliser les contradictions mais les réduire. Ce que vous devez porter comme promesse, c’est une écologie de résolution, c’est offrir de sortir de l’aliénation par les comportements. […] Vous ne devez pas oublier qu’il faut être culturellement et économiquement privilégié pour réagir positivement au catastrophisme dont vous êtes les porte-parole. […] Donc, vous devez aussi être positifs. On ne rassemble pas les gens, on ne les met en route que sur le positif et sur la maîtrise de l’avenir. »
Daniel Cohn-Bendit à la réunion de Tours. JOICARD/AFP
De quoi alimenter les discussions souhaitées notamment par trois députés Verts européens, Marie-Hélène Aubert, Pierre Jonckeer et Daniel Cohn-Bendit, mais aussi par Christophe Porquier, élu d’Amiens, et David Martin, maire adjoint de Tours. Dans la salle, beaucoup d’élus, avec Yves Cochet, Yann Wehrling et Dominique Voynet, qui n’a pas participé l’après-midi à la seconde partie de la réunion ayant mené à l’adoption d’un calendrier et d’une méthode de travail proposée par les auteurs du Manifeste pour la refondation de l’écologie politique . Dans son intervention, l’ex-candidate s’est plainte de devoir passer tous les problèmes de société au prisme de l’écologie : « Il n’y a pas de solution verte aux problèmes des femmes, pas de solution verte au chômage ou à la politique étrangère. » Succès mitigé, alors que de nombreuses interventions dérivaient justement sur des questions thématiques et sur de complexes problèmes de fonctionnement, la maladie infantile des Verts.
À peine remis de l’admonestation de Stéphane Rozes, les participants avaient entendu Daniel Cohn-Bendit leur expliquer que, « sans les Verts, il n’y a pas de rénovation à gauche, et qu’avec les Verts tels qu’ils sont, il n’y a pas de rénovation à gauche […]. Il est impossible de parler de refondation tout en affirmant que la seule chose à ne pas changer, c’est nous. Les Verts ne peuvent plus vivre dans la culture de la suspicion qui consiste à élire quelqu’un pour les représenter en désignant immédiatement quatre personnes pour le surveiller ».
Sur le fond, en affirmant que Jean-Luc Bennahmias s’était trompé en allant chez François Bayrou, il a rappelé que les Verts doivent se situer entre le libéralisme et le marché de la droite et la simple régulation par l’État de la gauche : « Nous devons reprendre pour cela les idées de l’autogestion, inventer une nouvelle façon d’être ensemble, agir, travailler et produire autrement, inventer une nouvelle utopie. » En conclusion, il a rappelé que les Verts ou le mot Vert faisaient l’objet d’un rejet collectif « dont nous sommes tous responsables » . À l’applaudimètre, le député franco-allemand a manifestement réussi sa journée. « Je ne suis ici qu’une sorte de casque vert , a-t-il ensuite commenté, je crois à cette refondation et je suis définitivement persuadé que les Verts doivent changer de nom. » Ce qu’Yves Cochet, qui a jugé la journée « encourageante » , a interprété comme une marche vers la dissolution appelée de ses voeux. La dissolution pourrait intervenir le 15 décembre, puisque c’est la date choisie par l’association Horizon-écologie, créée samedi, pour préparer et réunir des états généraux de l’écologie politique. Divergence persistante : là où Yves Cochet voit pour cette date une fin et une renaissance organisationnelle, d’autres ne la considèrent que comme une étape, preuve que de nombreux couteaux ne sont pas encore au vestiaire. Absent de la réunion mais « sympathisant », Noël Mamère estime que toutes les réflexions sont utiles, mais envisage l’organisation d’un référendum sur l’avenir des Verts, consultation qui concernerait les membres et les sympathisants : « Nous ne manquons pas d’idées mais il faut réinventer la façon de les porter politiquement. »
Christophe Porquier, qui a animé la journée de débats et d’interpellations, a gagné la première partie de son pari puisque le processus de refondation a été adopté
[^2] et que les participants se sont séparés plutôt satisfaits, faisant confiance aux organisateurs, et surtout à Daniel Cohn-Bendit et à Marie-Hélène Aubert, qui animeront des forums de discussions cet l’été. Il pourrait croiser les Alter Ekolo, réunis plus discrètement à Lille par Francine Bavay, ex-championne du « non » à la Constitution chez les Verts : une cinquantaine de personnes, dont les deux tiers de Verts, qui « ont réaffirmé, explique-t-elle *, que l’écologie n’est pas compatible avec le libéralisme ; nous refusons toute alliance, tout contact avec des centristes. Nous voulons mettre en place un contre-Grenelle de l’écologie, agir par le biais de réunions basées sur le principe des forums sociaux et qui regrouperont des objecteurs de croissance »* . Quant à la refondation engagée à Tours, les Alters Ekolos la suivront comme « observateurs » . Les écologistes restent séparés de corps, mais le divorce n’est pas encore en vue.